Par Georges Kaplan
Hugo Chavez, le 28 Juillet 2011, du haut de son balcon présidentiel
Jérôme Leroy, pom-pom-boy en chef du régime bolivarien de M. Chavez, nous annonce triomphalement que ce dernier a augmenté les salaires de 25% en quelques mois. Comme c’est effectivement un des grands thèmes de la communication bolivarienne du moment, je suppose que Jérôme fait référence au décret du 25 avril 2011 dans lequel M. Chavez a annoncé une hausse de 26,5% du salaire minimum vénézuélien. En effet, ledit salaire minimum était fixé à 1.223,89 bolivars depuis le 1er mai 2010 et l’administration bolivarienne l’a augmenté à 1.407,40 bolivars le 1er mai 2011 (+15%) et a annoncé qu’il passerait à 1.548,14 bolivar au 1er septembre 2011 (+26.5% par rapport à mai 2010).
Voilà donc pour le salaire minimum nominal.
Mais qu’en est-il du pouvoir d’achat des travailleurs vénézuéliens ? La question peut paraître incongrue mais, ça a manifestement échappé à notre supporter en chef du régime chaviste, il se trouve que le Venezuela subit une inflation massive ; c’est-à-dire que les prix augmentent et qu’ils augmentent très vite. Coupons court tout de suite aux accusations qui ne manqueront pas de fuser de toutes parts et utilisons les chiffres officiels de l’administration de M. Chavez calculés par le Instituto Nacional de Estadistica et publiés par la Banco Central de Venezuela.
Du 1er mai 2010 au 1er mai 2011, le salaire minimum vénézuélien (qui ne concerne pas, je dis ça en passant, les 45% de travailleurs qui sont employés dans l’économie dite informelle) a augmenté de 15%. Or, de mai 2010 à mai 2011, l’indice des prix à la consommation vénézuélien (le très officiel Indice Nacional de Precios al Consumidor) a augmenté de 22,9%. Résultat des courses : le pouvoir d’achat d’un salarié payé au Smic local a donc régressé de 7,9% en un an.
Jérôme aurait aussi pu nous indiquer que sur les trois dernières années (depuis le 1er mai 2008), M. Chavez a fait augmenter le salaire minimum de 76,1% (de 799 Bs à 1.407,40 Bs). Auquel cas, j’aurais sans doute précisé que sur cette même période l’inflation a atteint 105,6% : les prix officiels ont plus que doublé. Je dis « officiels » parce que les pénuries qui frappent le régime chaviste ont naturellement permis le développement d’un marché noir sur lequel vous imaginez bien que les prix sont un poil plus élevés. Au final, le pouvoir d’achat des smicards vénézuéliens a baissé de 29,5% en trois ans (chiffres officiels, je me permets de le répéter).
Juste pour compléter, convertie en dollars US, la valeur du Smic local est passée de $372 le 1er mai 2008 à $327,21 au 1er mai 2011. Vous me direz que ça ne fait que 12% de baisse ; c’est vrai mais c’est oublier qu’entre temps, M. Chavez a instauré un strict contrôle des changes et fixé la valeur du dollar US à 4,3 bolivars (janvier 2010). Outre les nombreuses pénuries que provoque cette politique (en effet, les importateurs vénézuéliens ont un mal fou à se fournir en dollars US pour acheter les biens et services qui manquent cruellement au Venezuela – voitures, médicaments etc.), elle rend toute comparaison internationale pour le moins difficile. Un indice tout de même : au marché noir, le dollar US se négocie manifestement aux alentours de 8,5 bolivars, ce qui nous met le Smic de Caracas à environ $166 (55% de baisse en trois ans… oups).
Dernière bonne nouvelle, M. Chavez n’ayant toujours pas compris que c’est son usage immodéré de la planche à bolivars pour financer sa révolution qui est, pour l’essentiel, responsable de l’inflation : il a récemment conçu l’idée fort peu originale d’instaurer le contrôle des prix (Ley de Costos y Precios justos, le 22 juillet 2011).
On arrive en phase terminale, celle de la loi du maximum général.
Addendum :
Il semble que le vrai taux de change soit quelque part entre Bs 5,18 et Bs 5,65 pour un dollar US (basé sur la décote des obligations émises par Caracas). Ces chiffres sont d’ailleurs tout à fait cohérents avec l’inflation du bolivar. Le taux officiel de 4,3 est donc vraisemblablement surévalué de 20 à 31%.
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