Lourdes de Jessica Hausner

Par Catherine93

Un film d'une grande délicatesse, d'une grande retenue sans férocité particulière contre Lourdes, bastion commercial de l'Eglise catholique, qu'on le veuille ou non. Christine souffre de sclérose en plaques et vient dans ce lieu de pèlerinage qui accueille des millions d'éclopés de la vie physiquement, moralement, spirituellement. Elle n'attend rien de particulier. Elle suit, sans rien dire, observe les regards échangés entre les hommes et les femmes qui les accompagnent et qui appartiennent tous à l'ordre de Malte. Peut-être aimerait-elle, elle aussi, avoir droit à des regards entendus? Mais dans son fauteuil roulant, que peut-elle espérer? A Lourdes, tout est rituel, mécanique et c'est ce que nous montre la réalisatrice sans attaque particulière mais sans prosélytisme non plus. C'est un endroit qui, paradoxalement, semble dépourvu de toute chaleur alors que tous ou presque viennent en chercher à défaut d'un improbable miracle. Le commerce envahit la ville et ses environs et ne cesse jamais, ce qui est quand même suggéré par Jessica Hausner. Mais plus encore que ces processions maintes fois répétées, ce qui importe dans ce film, c'est la galerie de personnages attachants tant on s'y reconnait: des femmes aigries, langues de vipère qui s'interrogent sur le choix de Dieu en matière de miracle, des déçus, des frustrés, des silencieux mais persévérants qui ne désespèrent pas du Seigneur.

Ce film, à mon avis, pose une question essentielle mais y a-t-il une réponse? Pourquoi Christine, qui ne paraît pas spécialement croyante mais qui se laisse tout de même toucher par ce qu’elle observe autour d’elle, ce qu'lle doit faire, a-t-elle été choisie pour guérir de sa sclérose en plaques ? Pourquoi elle ? Pourquoi pas Cécile qui, sous sa douceur vraiment mielleuse et sous ses bandeaux,souffre d'un cancer? Pas de réponse à cette question. La scène finale,  celle du bal, est dure, cruelle car elle jette le soupçon sur le miracle de Christine. « Félicita » chante l’animateur de la soirée. Elle tombe en dansant avec un accompagnateur séducteur qui l’abandonne. Tout transparaît sur le visage de l’actrice : le doute, l’épuisement et peut-être les renoncements à une vie normale…