Quartet à cordes de Jean-Philippe Viret
Dimanche 31 juillet 2011. 16h.
La photographie de Jean-Philippe Viret est l'oeuvre du Baroque Juan Carlos HERNANDEZ.
Jean-Philippe Viret : contrebasse, composition, direction
Eric-Maria Couturier : violoncelle
David Gaillard : violon alto
Sébastien Surel : violon
Dans la musique dite « classique », un quatuor à cordes est composé généralement de deux violons, un alto, un violoncelle. Le quartet à cordes de Jean-Philippe Viret est plus grave puisqu’un violon est remplacé par une contrebasse.
Seul le chef joue pizzicato, les autres jouent avec l’archet. Ca sonne comme une musique de film romantique. Un vent de fraîcheur dans cette chaude journée. Viret passe lui aussi à l’archet. Sous la grande toile blanche du chapiteau, entourés d’arbres, caressés par le vent et la musique, nous nous sentons bien loin de Paris. Malheureusement, il existe encore des parents assez ignorants pour emmener des enfants de deux ans à un concert. C’est ennuyeux pour les enfants, leurs parents et leurs voisins de rangée. Jean-Philippe Viret voit aboutir aujourd’hui un projet personnel qui a plus de dix ans. C’était « Justice ». Tous les morceaux, sauf un, sont composés par Jean-Philippe Viret.
« Esthétique ou pathétique ? ». Viret lance le tempo en tapotant le bois de sa contrebasse. Forte pulsation de la contrebasse. Douceur amère des autres cordes. Un contraste vivifiant. Ca s’anime doucement par le violon. L’esprit de la danse est là. Ca crisse, grince, pulse. Le violoncelle a pris la main. L’instant est aux graves. Au froid des archets répond la chaleur des mains sur la contrebasse et l’alto en pizzicato. Ca danse avec mesure, précision, grâce puis s’éteint dans un murmure. A la question posée par le morceau, je réponds : Esthétique.
Intro du violoncelle. Violon et alto reprennent. C’est beau et froid, à l’opposé de la météo. Le violoniste, même s’il est un musicien classique, a tout de même écouté l’école française du violon Jazz la première au monde depuis Stéphane Grapelli. Jean-Philippe Viret fut d’ailleurs le dernier contrebassiste du Grand Stéphane de 1989 à son décès en 1997. Les parents ont compris. L’un d’eux est parti avec les enfants. Deux mamies malpolies s’en vont dérangeant leurs voisins avant la fin du morceau. Une rangée entière de papys perturbés dans leurs habitudes s’en va pendant les applaudissements. C’était « Le rêve usurpé ».
Un morceau de François Couperin dit « le Grand » (1668-1733), « Les barricades mystérieuses », rondeau pour clavecin composé en 1717, arrangé pour quartet à cordes par Jean-Philippe Viret. Morceau lancé en pizzicato, swinguant, mystérieux. Ca balance sacrément. Tout le monde en pizzicato. Dieux, quelle grâce ! Cela devrait pouvoir se jouer à la guitare sèche. Il faudrait demander l’avis de Nelson Veras sur le sujet. Lorsque les archets reviennent, le public ne peut contenir sa joie et applaudit. La contrebasse marque le tempo alors que les autres cordes filent, glissent, volent comme des danseurs sur le parquet ciré d’une salle de bal. Tonnerre d’applaudissements bien mérités.
« Coalescence ». Les barricades de Couperin exprimaient le chevauchement, la coalescence de Viret exprime l’unisson. Ca attaque vif et léger mais avec une dose de gravité. Le temps jugera mais si je ne puis juger des qualités d’interprète de François Couperin faute d’enregistrement ( son « Art de toucher le clavecin » et son poste d’organiste du Roi de France en laissent bien augurer), il me semble qu’il est un plus grand compositeur que Jean-Philippe Viret. Ca dérive vers le Free Jazz mais ce n’est pas Ornette Coleman au violon. Encore des gens élevés mais pas éduqués qui se lèvent devant moi avant la fin du morceau. Il faudrait faire une annonce au début du concert : « Si vous n’aimez pas, ne dérangez pas ceux qui aiment. Ne quittez vos places qu’après la fin du morceau, pendant les applaudissements ». Quant à ce morceau là, je ne l’ai pas aimé non plus.
« Pierre Dora » hommage au peintre espagnol, fondateur du mouvement « Cercle et carré » dans les années 1930, blessé pendant la guerre d’Espagne comme combattant républicain. Une ballade triste digne d’un film noir. Scène sous la pluie la nuit, au bord d’un pont de la Mer du Nord (type Georges Simenon). Le héros paraît, marchant dans la brume, chapeau enfoncé sur la tête, les mains dans l’imperméable.
RAPPEL
« Scintille », morceau joyeux, pêchu mais que j’ai écouté de loin, distraitement, assis sur une pelouse du Parc floral.
Au final, malgré la qualité et la complicité des musiciens, je n’ai été que trop rarement enchanté par cette musique. Le public était ravi, lui. C’était le premier concert du Quartet à cordes de Jean-Philippe Viret. Pourvu que les suivants soient plus énergiques et plus magiques !
Pour ceux qui n'ont pu y assister et pour ceux qui voudraient revivre leurs émotions, vous trouverez un bref extrait de ce concert ci dessous. Je vous laisse juges lectrices subtiles, lecteurs raffinés.