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IMPORTANT : une collectivité publique peut interdire l'implantation d'éoliennes en Zone Natura 2000

Publié le 03 août 2011 par Arnaudgossement

natura 2000.jpgLa Cour de justice de l'Union européenne vient de rendre un arrêt capital pour l'avenir des éoliennes en europe. Aux termes d'un arrêt rendu sur une question préjudicielle, la Cour a jugé qu'il était possible, sous certaines conditions, de prononcer une interdiction "absolue" de toute implantation d'éolienne en Zone Natura 2000. Une décision qui doit être trés attentivement analysée avant tout montage de projet.


L'arrêt rendu le 21 juillet 2011 par la Cour de justice de l'Union européenne (cf. CJUE, 21 juillet 2011, Azienda Agro-Zootecnica Franchini Sarl, Eolica di Altamura Srl c. Regione Puglia, c-2/10), peut être consulté ici.

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CEL...

Cet arrêt a été rendu sur une question préjudicielle relative à la légalité, au regard du droit de l'Union européenne, d'une mesure, prise par une collectivité publique, d'interdiction absolue d'éoliennes en zone natura 2000. 

Réponse : une mesure d'interdiction absolue d'éoliennes en zone natura 2000 est légale si elle respecte les principes de non discrimination et de proportionnalité. 

Une interdiction absolue des éoliennes en zone Natura 2000 est légale

Voici le paragraphe 58 de cet arrêt qui ne manquera pas de susciter l'attention de tous les acteurs de l'éolien : 

"Par conséquent, il y a lieu de conclure que les directives «oiseaux» et «habitats», et notamment l’article 6, paragraphe 3, de cette dernière, ne s’opposent pas à une mesure nationale de protection renforcée qui prévoit l’interdiction absolue de réaliser des installations éoliennes non destinées à l’autoconsommation à l’intérieur des zones appartenant au réseau Natura 2000 sans aucune évaluation des incidences environnementales du projet ou du plan spécifique sur le site concerné appartenant audit réseau."

Il convient de relever qu'une telle interdiction est certes plus contraignante que ce que prévoit le droit de l'Union européenne mais est pour autant légale selon la CJUE. 

Une interdiction...sous conditions

Aprés avoir posé le principe selon lequel une collectivité publique peut interdire l'implantation d'éoliennes en zone Natura 2000, la Cour va cependant conditionner cette interdiction au respect de deux principes : 

"Il découle de tout ce qui précède que les directives «habitats», «oiseaux», 2001/77 et 2009/28 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation qui interdit l’installation d’aérogénérateurs non destinés à l’autoconsommation sur des sites appartenant au réseau Natura 2000, sans aucune évaluation préalable des incidences environnementales du projet sur le site spécifiquement concerné, pour autant que les principes de non-discrimination et de proportionnalité sont respectés".

Ainsi, si une interdiction absolue de toute éolienne en zone Natura 2000 n'est pas une mesure contraire au droit de l'Union européenne, il appartient à l'administration nationale et au Juge éventuellement saisi de s'assurer que cette mesure d'interdiction, d'une part ne viole pas le principe de non discrimination, d'autre part, ne viole pas le principe de proportionnalité. 

Interdiction et principe de non discrimination

S'agissant du principe de non discrimination que doit respecter la mesure d'interdiction, l'arrêt précise : 

"Or, en l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la différence de traitement entre les projets de construction des aérogénérateurs et les projets concernant d’autres activités industrielles proposées sur des sites appartenant au réseau Natura 2000 peut se fonder sur les différences objectives existant entre ces deux types de projets.

Dans ce contexte, cette juridiction doit tenir compte des spécificités des installations éoliennes, tenant notamment aux dangers que celles-ci peuvent représenter pour les oiseaux, tels que les risques de collision, les perturbations et déplacements, l’effet «de barrière» forçant les oiseaux à changer de direction ou la perte ou la dégradation des habitats."

Il convient donc que la mesure d'interdiction, pour être légale, n'ait pas pour but recherché le seul fait d'interdire des éoliennes, ce qui en ferait alors une mesure discriminatoire. L'interdiction ne doit pas être uniquement "anti éolienne". Cette mesure doit être motivée au regard des exigences liées à la protection de la biodiversité. 

Interdiction et principe de proportionnalité

S'agissant du principe de proportionnalité, l'arrêt précise : 

"Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier la proportionnalité de la mesure nationale en cause. Cette juridiction doit notamment tenir compte du fait que la réglementation en cause dans l’affaire au principal est limitée aux seuls aérogénérateurs, à l’exclusion d’autres formes de production d’énergie renouvelables telles que les installations photovoltaïques. En outre, l’interdiction s’appliquerait exclusivement aux nouvelles installations éoliennes à des fins commerciales, les aérogénérateurs destinés à l’autoconsommation avec une puissance égale ou inférieure à 20 kW étant exclus du champ d’application de cette interdiction".

Ainsi, pour la CJUE, la mesure d'interdiction ne doit pas freiner le développement de toutes les énergies renouvelables en général et ne doit pas viser toute forme de production d'énergie éolienne. La CJUE souligne l'exonération réservée à l'éolien domestique. 

La portée de la décision : la biodiversité au coeur de l'avenir des éoliennes

Cette décision de la CJUE appelle les développeurs et porteurs de projets a accorder une attention renforcée, non seulement aux exigences du droit de l'Union européenne et à la jurisprudence de la Cour de justice mais également à la Biodiversité. 

Cet arrêt ne signifie pas que toute collectivité publique - Etat ou autorité décentralisée - peut demain et sans condition interdire toute éolienne en zone Natura 2000. Cet arrêt signifie cependant qu'une telle interdiction peut être prononcée et n'est pas en soi illégale. Il appartiendra bien entendu aux développeurs de faire en sorte, dans la mesure du possible, que leurs projets ne puissent pas appeler de telles mesures d'interdiction. 

Plus que jamais, l'évaluation des incidences environnementales d'un projet doit être irréprochable et constamment actualisée, au regard notamment des nouvelles exigences liées aux connectivités écologiques. Dans un contexte marqué par l'accroissement des contraintes réglementaires qui pèsent sur l'avenir de l'éolien et, surtout, par le classement ICPE, cette décision doit retenir l'attention. 

Arnaud Gossement

Avocat associé au Barreau de Paris - Docteur en droit


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