Si l'on suit les médias dominants, le premier tour de la présidentielle 2012 est déjà ficelé, à tel point qu'on nous sort déjà les sondages sur le second tour, un an même avant d'avoir voté pour le premier. Ce n'est pas la première fois qu'on nous fait le coup, en 95, 2002 ou 2007, à 10 mois de l'échéance on nous avait affirmé qu'il n'y avait plus rien à voir que tout était joué d'avance. A chaque fois leurs pronostics ont été déjoués. Mais cette fois-ci, il semblerait que la caste politico-dominante ait prévu le coup avec une troisième candidate dont on voudrait nous faire croire qu'elle pourrait créer la surprise. Qu'on ne s'y trompe pas, Mme Le Pen a été volontairement mise en avant par tous ces tenants du système pour garantir quoiqu'il arrive la victoire de l'un des deux partis dominants au second tour.
Est-ce à dire que l'élection de 2012 se jouera forcément entre ces trois là ? Rien n'est moins sûr, et les dix années qui viennent de se passer sont là pour le prouver.
Il serait illusoire de croire que le rejet des élites politiques, intellectuelles et médiatiques est récent. De nombreuses enquêtes depuis au moins dix ans ont à de multiples reprises tiré la sonnette d'alarme sur la rupture croissante qui existe entre la France d'en haut et les classes populaires (je ne dis pas "France d'en bas", je trouve l'expression dégradante). En 2002, c'est bien cette méfiance qui a fait le lit de l'abstention et porté Jean-Marie Le Pen au second tour. En 2005 c'est autant la volonté de rejeter le traité constitutionnel que celle d'envoyer paître tous ces donneurs de leçons du journal de 20 heures qui a fait le triomphe du non. En 2007, la poussée surprise de François Bayrou est d'abord le résultat du rejet des deux grands partis traditionnels, même si cette année-là, l'apparent renouvellement de la classe politique a joué en leur faveur.
Que constate-t-on depuis 2007 ? Le retour en force du rejet des élites, et surtout du pouvoir en place. Cela se traduit par une abstention record de scrutin en scrutin, et depuis les régionales par la montée en puissance de Mme Le Pen, mais aussi d'un vote contestaire à gauche, qui lui aussi ne cesse de progresser, bien qu'éparpillé, et dont curieusement, on parle beaucoup moins.
En 2012, encore plus que précédemment, les Français vont exprimer leur souhait de tourner la page avec les politiques qui nous mènent à la catastrophe depuis 30 ans. Cette colère qui s'est déjà exprimée dans les mouvements sociaux de 2010 et dans le vote aux cantonales ne pourra que se retrouver en 2012, puisqu'elle n'a pas été entendue. Quels que soient leurs candidats, UMP et dans une moindre mesure PS ont fort à craindre de cette élection.
Une surprise est plus que jamais probable, mais celle-ci peut-elle venir du FN et de sa présidente ? C'est possible, sauf qu'à bien y regarder, Mme Le Pen est tellement annoncée un peu partout, qu'elle n'est plus une surprise. Mieux, à vouloir se "dédiaboliser", faire du FN un parti de gouvernement, elle lui ôte de fait ce qui faisait l'intérêt de ce parti pour une part des électeurs : son côté subversif, anti-système. A force de jouer le jeu des médias, d'être présente partout, de laisser entendre que le FN devient un parti comme les autres, Mme Le Pen gagne peut-être en audience dans un premier temps, mais surtout, elle devient peu à peu une candidate du système elle aussi, celui-là même que ses électeurs rejettent. Le piège se referme sur elle.
Le match des trois pour le second tour serait donc inéluctable ? Pas sûr ! En 2002 ou en 2007, la montée en puissance du troisième larron s'est faite dans les dernières semaines, voire dans les derniers jours. Il existe cette fois-ci un candidat qui a tous les atouts pour créer une surprise énorme, devenir le quatrième larron. Ceux qui me lisent régulièrement savent bien de qui je veux parler. Il s'agit de Jean-Luc Mélenchon.
Il a réussi ce paradoxe d'être à la fois médiatique et contre les médias. Qu'on ne s'y trompe pas, ses diatribes anti journalistes de ces derniers mois, si elles ont offusqué la presse dans son ensemble, font mouche auprès d'une population importante qui ne se retrouve pas dans les médias dominants, au point de leur préférer une presse alternative, essentiellement sur le web.
Mais ce n'est pas la raison principal qui fait de Mélenchon une menace pour le système actuel. Son discours est en phase avec les préoccupations réelles du pays. Que ce soit sur les salaires, l'emploi, la précarité, les retraites il est le seul à avoir assimilé dans ses discours le besoin de plus de protection de la part des Français, le désir profond de plus d'égalité et de justice. Besoins et désirs qui ne peuvent pas être revendiqués par les partis de pouvoir ni par l'extrême-droite, mais que le PCF et toute une partie de la gauche incarnent dans leur histoire.
Il pourrait pâtir de son manque de relais médiatiques ? Au contraire, comme en 2005 pour le référendum, il va faire une campagne de terrain, hors médias, en s'appuyant sur cette machine militante extraordinaire que reste le PCF. Mais pas seulement, il existe à la gauche du PS tout un chapelet d'organisations, de forces qui ne demandent qu'un espoir pour se mettre en marche.
Enfin, pour la première fois depuis très longtemps, l'éclatement des voix sera moindre de ce coté-ci de l'échiquier politique. Même si le NPA aura un candidat, le retrait de sa figure de proue Olivier Besancenot l'affaibli fortement, de même qu'avec le retrait d'Arlette Laguiller, LO n'a plus le même impact.
Nous en sommes en août 2011, et je le dis dès maintenant, s'il y a une surprise en 2012, elle s'appellera Jean-Luc Mélenchon. Je le dis certes avec la foi du convaincu, mais aussi avec l'espoir que l'enthousiasme des premiers meetings de campagne a fait naître chez moi et chez beaucoup de mes compatriotes.