Des relations qui semblent dépasser le simple cas de l'habituelle diplomatie.
Sarkozy n'a pas l'exclusivité des relations amicales ou soutenues avec les autorités du Qatar. Même si le Qatar « n'est pas vraiment un pays fréquentable » (dixit Eric Leser pour Slate.fr), une belle partie de la classe politique française se rend régulièrement à Doha, de gauche comme droite.
Mais Nicolas Sarkozy est ... président. Ses relations ont une autre importance.
Petit rappel.
En juillet 2007, le Qatar aurait payé la rançon nécessaire à la libération des infirmières bulgares retenues par les autorités libyennes (320 millions d'euros). A l'époque, le Monde notait : « il apparaît peu probable, aux yeux des connaisseurs de la région, que le Qatar ait pu consentir un tel geste - susceptible de résoudre le problème de l'argent - sans contrepartie ». Mardi, Libération rappelait que « La complexité du montage et les montants en jeu (320 millions d’euros) laissent penser que l’opération était dans les tuyaux avant l’élection présidentielle ».
Le Qatar est un gros investisseur en France. Quasiment tous les secteurs économiques sont concernés. En 2009, il a été exonéré tout impôt sur les plus-values immobilières par le biais d'une convention proposée par Sarkozy et ratifié par le Parlement…
En mai 2009, le site Mediapart révélait que « plusieurs pays arabes et du Moyen-Orient appliquant la charia, parmi lesquels l'Iran, l'Arabie saoudite ou le Soudan » avaient été « appelés à financer les activités d'une antenne de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) qui doit voir le jour au Qatar ». Le site mentionnait des documents du conseil d'administration du 17 juin 2008 de l'ENM de Bordeaux et le projet de convention signé en mai 2008 par la garde des sceaux de l'époque, Rachida Dati, le procureur général de l’Etat du Qatar, Ali Bin Fetais al-Marri (photo), et le directeur de l’ENM local. Selon ce dernier document, l'école devrait «mettre en commun des expériences et des bonnes pratiques judiciaires» afin de «renforcer les liens de coopération juridique et judiciaire dans les pays du monde arabe»
En mars 2010, Nicolas Sarkozy a élevé au rang de grand officier de la Légion d’honneur le Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani. Après tout, pourquoi pas ? Le cheikh est une personne au moins largement plus estimable que Vladimir Poutine, en son temps décoré par Jacques Chirac.
En janvier dernier, notre Monarque se félicitait de la désignation du Qatar pour l'organisation de la Coupe de Monde de football de 2022. Il avait personnellement demandé à Michel Platini, patron de l'UEFA, de voter pour cette candidature.
Depuis janvier, le Qatar soutient les printemps arabes, mais il n'y a pas de printemps arabe au Qatar. C'est d'ailleurs bien inutile. Les trois quarts des résidents qataris sont des immigrés.
En mars, le Qatar était l'un des piliers arabes de la coalition onusienne qui attaqua la Libye. Le pays a mis en place des rotations maritimes pour transporter des blessés libyens en provenance de Benghazi et de Misrata vers des hôpitaux en Tunisie. Il livre également des armes aux insurgés. L’émir Sheikh Hamad bin Khalifa Al Thani fut également le seul leader arabe à reconnaître le Conseil national de transition. Il faut préciser qu'il y a aussi des liens tribaux entre Benghazi et l'émir du Qatar.
Le Qatar était proche de la Syrie. On lui prête la signature d'un accord militaire l'an dernier. Mais le 18 juillet, trois mois après le début des manifestations civiles et de la répression sanglante par le régime d'el Assad, le Qatar, a « gelé les travaux » de son ambassade à Damas « jusqu'à une date indéterminée» et son ambassadeur dans le pays est rentré à Doha. Un spécialiste expliquait récemment que l'émirat avait beaucoup oeuvré pour que Sarkozy se rapproche de el-Assad : « C’est notamment grâce au Qatar que la France de Nicolas Sarkozy a renoué avec Damas. C’est aussi Doha qui avait milité pour que le président Assad soit invité au défilé du 14 juillet 2008.» Après pétrole contre nourriture, c'était pétrole (et gaz) contre realpolitik !
En avril, Sarkozy est intervenu directement dans la reprise du club de football PSG par le fond d’investissement qatari QSI. La justification par Franck Louvrier, son conseiller en communication, est curieuse : « Il s’est intéressé de près au dossier. D’abord parce que c’est un État étranger qui investit en France, et puis parce qu’il est supporteur ». QSI est déjà actionnaire, minoritaire, de VINCI, concessionnaire du Stade de France, à qui l'Etat paye environ 6 millions d'euros de redevance par an pour compenser l'absence de club résident.
On a du mal à comprendre la rage de Nicolas Sarkozy contre sa ministre des Sports, Chantal Jouanno. Libération rapporte qu'elle «a été à deux doigts du renvoi» à cause d'une simple déclaration publique, sur RMC, où elle disait regretter qu'un fond français n'ait pas repris le PSG. Fillon aurait sauvé la tête de sa ministre en déclarant qu'«on ne peut pas désavouer publiquement celle qui vient d'être désignée pour conduire la liste de l'UMP aux sénatoriales de septembre à Paris».
La ministre Jouanno n'a pourtant pas commis de bourde si grave. Et le Qatar, actionnaire unique de la chaîne de télévision Al-jezira, est coutumier d'une relative liberté de ton à l'extérieur de ses frontières.
Alors, pourquoi un tel énervement ?
Quelles sont les véritables raisons réelles de ce coup de sang ?
Y-a-t-il d'autres intérêts que l'on ne connaît pas ? Plus simplement, le Qatar s'est-il plaint de la ministre ?