« On »

La rumeur, l’incomprιhension, les phantasmes.
Bien sϋr, il existe une mιthode infaillible, radicale : ne jamais se connecter ΰ Internet, en ignorer superbement les forums, se boucher les oreilles, fermer les yeux. Ce faisant, le pire peut thιoriquement κtre ιvitι, c’est-ΰ-dire la lecture de propos insidieux, d’affirmations gratuites, d’interminables dιveloppements sur la thιorie du complot et, thθme qui a toujours beaucoup de succθs, les propos malveillants sur la presse ΰ la solde de forces occultes. Oubliιs la rumeur, les incomprιhensions, les phantasmes
En agissant de la sorte, qui retrouverait la paix intιrieure ? Personne ! Il est insensι, en effet, de chercher ΰ vivre hors du temps, de son temps, de nier notre monde, aussi imparfait soit-il. Internet n’a rien inventι, ne vιhicule pas d’idιes nouvelles, n’empire pas la situation. Au pire, il l’accιlθre, il permet l’instantanιitι de l’information, des rιactions, des commentaires qu’elle suscite. Accessoirement, la Toile nous rappelle que ceux qui tiennent absolument ΰ s’exprimer n’ont pas toujours des idιes claires et, trθs souvent, n’ont pas d’idιes du tout. Et, accessoirement, pas d’orthographe…
Pour prendre le pouls d’une ιpoque, il est incontestablement nιcessaire de plonger dans les forums, quitte ΰ en sortir dιηu, ιchaudι, voire ιcoeurι. Mais ce serait une erreur de les fuir comme la peste, sous prιtexte qu’on y trouve un immense n’importe quoi. En effet, malgrι les apparences, il n’y a lΰ rien de nouveau, si ce n’est une autre forme d’expression de la vox populi. Laquelle mιrite l’attention, pour ιviter les dιrives de l’ιlitisme.
Que se passe-t-il, ces jours-ci ? Rien d’imprιvu, ΰ vrai dire. L’accident du vol AF447 du 1er juin 2009 s’est ΰ nouveau invitι dans la «grande» actualitι, ΰ la suite de la publication d’un nouveau rapport d’ιtape du BEA. Les lecteurs de ce document ne sont ιvidemment pas tous de grands professionnels de la sιcuritι aιrienne, tant s’en faut. Mais ils font quand mκme semblant de tout comprendre et, de ce fait, s’attribuent le droit d’avoir un avis, et de le faire savoir. D’oω un dιferlement ininterrompu de mauvaise prose qui, jour aprθs jour, jette le doute dans les esprits non prιparιs ΰ affronter de telles dιrives.
S’y ajoutent les incontournables «experts», qui cherche ΰ briller en sociιtι, qui se dιcouvrent une occasion inespιrιe d’exister. Surtout ceux qui ne sont rien, n’ont jamais rien ιtι, qui auraient voulu, qui n’ont pas pu ou n’ont pas su, qui sont aigris sans le savoir et qui multiplient les critiques tous azimuts.
Nous manquons tous de recul, une lacune qui relθve sans doute d’une forme subtile de paresse intellectuelle. Sans quoi nous aurions tτt fait de retrouver notre sιrιnitι en constatant que, partant de la place qu’occupe l’AF447 sur Internet, nous parlons tout simplement des dιrives de toute une ιpoque, de notre ιpoque. Ni plus, ni moins. Pire, de l’affaiblissement des mιdias, du dιcrochage incontrτlι du journalisme. Des alarmes retentissent au cœur des rιdactions mais plus personne n’y prend garde.
« On » le regrette, on s’inquiθte, on dιnonce, on s’appelle, on dιjeune et on en parle. On tourne en rond, on s’enfonce. Dθs lors, voici dιjΰ venu le moment de tirer les autres leηons de l’AF447, celles qui n’ont rien ΰ voir avec l’aviation, moins encore avec le pilotage, les automatismes, l’interface homme/machine. Sauf ΰ nous contenter de Google News, «journal» instantanι constamment mis ΰ jour, rιalisι ΰ coup d’algorithmes, sans aucune intervention de journaliste, pire, sans κtre humain. Ce n’est pourtant pas une solution recevable : Google News constitue une synthθse automatisιe de l’information qui suppose, par ailleurs, la parution rιguliθre de journaux, de prιfιrence fiables. Voici le cercle vicieux rιinventι.
Du coup, peu ΰ peu, nous allons dιcouvrir que l’AF447 va nous mener trθs loin. Il va nous obliger ΰ assister ΰ notre propre procθs.
Pierre Sparaco - AeroMorning