Salariés contre robots : Le dumping salarial et social ultime ?

Publié le 02 août 2011 par Slovar
Les ouvriers chinois sont devenus trop chers, trop revendicatifs et trop fragiles. C'est le constat du patron du groupe taïwanais Foxconn qui va les remplacer ... définitivement par des robots, d'ici trois ans.
La logique actuelle de l'économie de marché est simple et particulièrement perverse. Afin d'optimiser les profits des entreprises, les salaires doivent rester bas. Le pouvoir d'achat qui en découle, implique que les produits doivent coûter de moins en moins cher. D'où une production située dans les pays à bas coûts salariaux et sans protection sociale.
Mais qui dit « boom économique » dans ces pays, dit revendications salariales et donc augmentation des coûts de production. Dans ce cas, les seules solutions sont la délocalisation vers des pays encore moins disants où le remplacement définitif des ouvriers ... par des robots.
Rien de bien nouveau diront certains. En effet, au XIXeme siècle : « (...) la science, la technique et une plus grande richesse permettaient de rassembler des centaines d'ouvriers pour fabriquer des quantités très importantes de marchandises variées. On appelle cette période la révolution industrielle parce qu'elle correspond à un changement total dans la production et la consommation d'objets fabriqués (...) »
Cette production de masse avait un prix : Celui de la misère des ouvriers soumis au chantage à l'embauche et vivant dans des conditions au delà du précaire. Misère et précarité qu'on retrouve aujourd'hui en Asie et notamment en Chine où la main d'oeuvre est abondante, peu rémunérée et surtout sans aucune protection sociale.
Le 27 mai dernier, les entreprises Apple, Dell et HP faisaient mine de s'émouvoir du dizième suicide d'ouvrier (30 au total) dans l'usine chinoise de leur sous-traitant taïwanais Foxconn où travaillent 400 000 personnes.
Apple se disait : « attristé et bouleversé » par cette vague de suicides et indiquait qu’il menait sa propre enquête sur les conditions de travail dans les usines de son principal sous-traitant, qui fabrique l’iPhone, l’iPod et l’iPad.
Dell réclamait que : « ses fournisseurs adoptent les mêmes normes que les siennes »
HP indiquait qu’il étudiait : « les pratiques de Foxconn qui peuvent être associés à ces événements tragiques »
Probablement très impressionné par ces « violentes réactions », le PDG de Foxconn avait demandé formellement aux employés de : (...) s’engager par écrit à ne pas attenter à leur vie (...) Mais il avait été également obligé par la pression des salariés et de leurs organisations de défense d'augmenter de près de 70% les salaires dans ses usines chinoises !
Ce qui remettait en cause la logique que nous vous expliquions plus haut. Or, comme il est difficile, voir impossible, de délocaliser l'outil de production dans des conditions plus optimales que la Chine. Afin de de contourner les problèmes de grèves et de suicides auxquels il est de plus en plus confronté : « (...) Le président du groupe, Terry Gou, a annoncé à la presse chinoise lundi 1er août qu'il souhaitait ainsi remplacer 500.000 employés du groupe par des robots d'ici trois ans (...) Foxconn possède actuellement 10.000 robots effectuant des tâches de peinture, de soudure et d'assemblage. Ce nombre devrait progressivement être porté à 300.000 en 2012 et à un million en 2014 (...) » - Challenge
Notons au passage que cette nouvelle n'a pas fait réagir Apple, Dell ou HP qui vont pouvoir continuer à obtenir des prix d'achat exceptionnels, sans avoir à faire part de leurs inquiétudes sur le sort des salariés, ne baisseront pas pour autant leurs prix et pourront probablement améliorer leur notation sociale.
Il est clair que cette décision devrait faire tâche d'huile auprès des très nombreuses entreprises chinoises ou installées en Chine et pousser encore un peu plus leurs dernières concurrentes américaines ou européennes à faire le même choix ... définitif !
Questions : Assistera t-on dans un futur proche à des débats concernant la taxation sociale des robots et se dirige t-on, à terme, vers un dumping fiscal entre nations pour obtenir l'hébergement des usines de robots ?
Et que fera t-on des salariés qui auront perdu leur emploi et comment compensera t-on ce déficit d'emploi ?
Nul ne le sait, puisque, contrairement aux grandes périodes d'industrialisation précédentes, aucun grand secteur d'activité comme l'affirmait l'économiste Alfred Sauvy, n'est en mesure de recycler un nombre aussi important de gens. D'aucuns répondront que les entreprises de fabrication de robots, par l'effet de la demande, créeront de nouveaux emplois. Sauf que celles-ci ont déjà largement ... automatisé leur production. Tout comme d'ailleurs les entreprises de services en quête d'une meilleure rentabilité (voir les robots traiders )
L'innovation vont hurler en choeur les économistes, entreprises et élus politiques de tous bords !
Edouard Bareiro économiste écrit à ce sujet : « (...) si l’innovation conduit, à terme, à réduire le besoin de travail dans certaines activités du secteur tertiaire, rien n’exclut que ce ne soit pas au profit de nouvelles activités qu’elle aura permis de faire émerger (...) Mais est obligé de reconnaître : « (...) la compensation entre les emplois détruits et les emplois créés ne concernent pas les mêmes individus, si bien qu’il existe un chômage technologique structurel, issu du déclin de certaines activités industrielles (...) »
En clair, il y aura de la casse et ce sera aux politiques de gérer le problème !
Une bonne base de réflexion pour les candidats à la présidentielle qui pourraient y trouver l'occasion de nous donner des réponses sincères, arguments à l'appui, au lieu de nous abreuver de lieux communs et de ... boules puantes qui nécessairement feront leur apparition au fil des mois séparant l'échéance de mars 2012. Les quelques 6 millions de chômeurs ou précaires français apprécieraient !
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UIMM