La constitutionnalisation de la « règle d’or » est une idée brillante. Mais a-t-elle un contenu autre que politique et électoral ? Revenir à l’équilibre budgétaire n’est possible qu’en réduisant la taille de l’État et du secteur public : y est-on réellement décidé ? La Constitution est-elle un bouclier suffisant contre l’État Providence ?
Par Jacques Garello, administrateur de l’IREF et président de l’ALEPS
Publié en collaboration avec le site de l’IREF(*)
La règle d’or est une expression brillante pour parler d’équilibre budgétaire. Depuis 1974 le Parlement français vote des lois de finances assorties d’un déficit budgétaire qui n’a cessé de se creuser, jusqu’à atteindre près de 8 % du PIB actuellement (alors que nos engagements européens prescrivent un plafond de 3%). Nicolas Sarkozy a eu raison d’écrire aux parlementaires pour leur rappeler que cette situation est inadmissible et suicidaire : comme les déficits sont comblés par des dettes nouvelles, la France veut-elle imiter la Grèce ou se montrer exemplaire ? François Baroin, nouveau ministre de l’Économie, a pour cible un retour progressif à l’équilibre budgétaire pour 2015. Mais voilà environ dix ans que les gouvernants français assurent leurs partenaires européens en promettant chaque année plus de rigueur dans la gestion des finances publiques et qu’ils expliquent maintenant les dérapages par la fatalité de la crise de 2008-2009.
La constitutionnalisation de la « règle d’or » est-elle de nature à mettre fin aux dérives ?
Comme l’a rappelé avec raison Jean Philippe Delsol dans un article publié sur le site de l’IREF, l’équilibre budgétaire n’est pas en soi un brevet de bonne gestion des finances publiques, puisqu’on peut toujours y parvenir en augmentant les impôts – ce qui à très court terme freine la croissance et diminue les recettes fiscales, et fait rejaillir les déficits : victoire à la Pyrrhus.
Mais, de plus, comme l’a souligné récemment Nicolas Lecaussin, la Constitution de la Vème République est assez ambiguë et souple pour laisser à tout moment le Président de la République maître du jeu. Le Conseil Constitutionnel fait rarement barrage à ces débordements – on l’a vu notamment en 1981 à l’occasion de la nationalisation de l’industrie et des banques. L’histoire de la constitution française est très riche, ce qui signifie que l’on change de constitution (ou de lecture de la constitution) chaque fois que cela fait l’affaire des gouvernants.
Ces considérations engendrent un certain scepticisme sur l’efficacité de la constitutionnalisation de la règle d’or. Mais quid de son opportunité politique ? Le projet élyséen a pour avantage de mettre la gauche en porte-à-faux : des élus du peuple peuvent-ils souhaiter pour le pays le sort de la Grèce ? Il rappelle aussi à point nommé que le peu que l’on sache du programme socialiste exclut tout retour à l’équilibre, mais au contraire une débauche de dépenses budgétaires nouvelles. Enfin, le projet peut aussi rassurer une partie des électeurs de droite inquiets à juste titre de l’évolution des déficits et de la dette. Si les députés de la gauche (ou du centre) ne se joignaient pas à la majorité actuelle pour arriver au seuil des trois cinquièmes du Congrès, l’Élysée aurait beau jeu de les désigner à la vindicte populaire.
Article repris du site de l’IREF avec l’aimable autorisation de l’auteur.
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