Il y un corps, presque dénudé, à la fois fragile et puissant, un corps qui se frotte aux éléments, sans armure, sans masque, dans un corps à corps sauvage et sensuel. Un corps à terre, rampant, marchant, se cambrant, fixant le ciel et l'histoire, la nature et l'architecture.
Nous suivons la danseuse, interpellés, fascinés, séduits. Est-ce un ange exterminateur? Une sirène qui nous amènera à notre perte? Une danseuse qui s'est trop penché dans le vide? Les "Chaussons rouges" de Powell... Ou peut-être Willard transfiguré, dans Apocalypse Now, Willard sortant des eaux boueuses de la jungle, le regard halluciné, prêt à supprimer Kurtz.
Regardez ces murs, ces pierres, suivez le mouvement, posez-vous des questions. Vous arrivez sur le plateau, voici les ânes, Sylvia est à terre, est-elle transformée en animal, a-t-elle subi le même sort que Nabuchodonosor? Voilà que surgit le superbe panorama sur la vielle ville. Elévation. Sylvia rêve. Sylvia court. Elévation encore.
Soudain, le temps de la chute. Sylvia court encore, mais cette fois vers les bas-fonds de la forteresse, dans la vallée. Le temps de l'immersion dans le sang. Sylvia deviendra-t-elle invincible, comme dans la chanson des Nibelungen?
Non, elle finit par s'écrouler. Fin de la tragédie wagnérienne.