C’est peut-être le signe que certains observateurs éclairés attendaient. La démocratisation du design musical que l’on constate déjà par un recours toujours plus fort des grandes entreprises, des PME, des ONG, des grandes écoles à cette discipline, semble entrer dans une nouvelle étape. Il semble bien que désormais, ce soit au tour des villes et des collectivités territoriales de prendre d’assaut le design musical et d’ajouter une corde à l’arc de leur stratégie marketing. C’est un fait, pour développer entre autres le tourisme et l’emploi, pour affirmer l’identité d’un territoire et renfrocer le lien, l’attachement et la différenciation, les édiles et leurs responsables communciation rêvent de doter leur territoire des atours de la marque. Ils développent une logique et une véritable plateforme de marque dans laquelle le son semble faire une entrée fracassante.
Jusqu’ici surtout limité au territoire visuel, avec la création d’un logo, d’un slogan et d’une charte graphique, le marketing territorial s’intéresse désormais de plus en plus au design musical pour illustrer l’esprit des villes et faire valoir leurs ambitions : une nouvelle prise de parole venant compléter les classiques outils de communication.
Bien sur, certains pionniers avaient déjà travaillé sur cet aspect. On a retrouvé certains communiqués datés d’il y a près de vingt ans où Yerres, pour ne prendre qu’un exemple, petite bourgade de la région parisenne, parlait de la création de son hymne. A l’époque, la démarche faisait sourire et ne suscitait pas plus d’intérêt que cela. Il y a 5 ans, la ville de Paris, a lancé un appel d’offre pour une musique identitaire pour sa téléphonie, mais le résultat s’est révélé très décevant tant artistiquement que dans la démarche de valorisation de la ville.
Lorsqu’en 2007 la ville de Nice demanda au compositeur Michel Redolfi, de développer les nouveaux sonals du tramway, ce fut un premier pas vers le travail du son dans la ville comme véhicule de sens. Les habitants ont pu profiter d’annonces vocales et de signatures musicales plus originales qu’à l’accoutumé, des sonorités différentes tout au long des vingt et un arrêts de la ville, évoluant également selon les saisons, et les fêtes annuelles. Dans ce cas précis, l’exercice fut plus divertissant qu’identitaire mais le budget de l’opération commençait à ressembler à quelque chose de plus sérieux.
Le vrai départ fut donc réellement lancé par la ville de Saint-Étienne et le département du Rhône, qui profitent tous deux depuis plus d’une année d’une toute première identité sonore déclinée sur différents supports de communication allant des attentes téléphoniques, aux annonces radiophoniques en passant par les supports vidéos institutionnels. A l’origine de cette démarche se trouve la question essentielle et de plus en plus importante, celle de la cohérence et de la complétude des systèmes de communciation – auxquels le son et la musique contribuent. Est-ce un hasard si c’est également à Saint-Etienne que se déroulait en 2009 un premier événement marquant au service de la « musique territoriale ». A l’occasion de l’événement du Cap Com, l’un des salons les plus prisés portant sur la communication publique, la conférence sur l’identité sonore des villes et des territoires a été l’une des plus remarquées, au point qu’à l’issue de l’intervention la salle débordée de participants, certains assis parterre, d’autre debouts sur des chaises à l’extérieur de la salle cherchant tant bien que mal à entendre ce qui s’y disait. Maires de petites communes, directeurs de la Communciation de certaines grandes métropoles, chacun y allait de son commentaire sur la nécessité de mettre en oeuvre un programme d’identité sonore.
L’un des deux conférenciers, directeur de la Communication de la Région des Pyrénées Orientales, était venu témoigner des réussites mais aussi des échecs de sa démarches d’identité sonore, dont les causes étaient pour l’essentiel le manque de budget et une petite erreur de casting au moment de la selection des prestataires. Quoi qu’il en soit, les retombées presse de cette conférence du Cap Com ne faisaient pas de doute. C’était là un tournant dans la prise de conscience.
L’un des appels d’offres territoriaux les plus emblématiques et les plus médiatisés vient de livrer son verdict. C’est en effet l’agence nantaise Moswo qui gagne l’appel d’offres pour créer la signature et le dispositif de promotion de la métropole Nantes Saint-Nazaire à l’international, c’est aussi en partie grâce à l’intégration dans la stratégie, d’un projet sonore identitaire confié à l’agence parisienne Sixième Son. « Une identité sonore affirme une signature. C’est un point de repère, une animation, une valeur ajoutée nouvelle », explique Corinne Muracciole, directrice des relations extérieures chez Moswo. Dès l’automne prochain, nous pourrons découvrir ce travail actuellement en cours qui promet d’éviter les pièges de la facilité. L’identité sonore vient compléter, renforcer et souligner la stratégie marketing globale.
Monsieur Van Borren, directeur de la communication de la ville de Saint-Étienne, explique sa démarche qui fut motivée, lui, par un constat très concret: « Nous nous sommes rendus compte que nous avions bien plus d’occasions de nous exprimer par le son que par le visuel. Par exemple, des centaines de milliers d’appels nous parviennent chaque année à la mairie. Grâce à notre nouvelle identité sonore déclinée entre autres en attente téléphonique, nous communiquons quotidiennement sur le positionnement de la ville en touchant une large cible ». Le besoin de cohérence dans la prise de parole de la marque fut une des raisons premières qui permit au projet d’aboutir.
« Avant, nous avions des musiques achetées sur catalogue, différentes selon les supports et les messages. D’une annonce radio à une autre, la ville de Saint-Étienne s’exprimait sur des mélodies complètement différentes. Il était vraiment urgent de mettre en place un système sonore identitaire unifié et cohérent pour développer l’identification du message à la ville », confirme Monsieur Van Borren. La limite de l’exercice stéphanois fut que le budget initial était sous dimensionné. Avec moins de 20 000 euros pour débuter, difficile de faire bien et beaucoup à la fois. D’ailleurs, sur certains supports, cela s’entend…
Finalement, ce mouvement semble s’inscrire dans une tendance de fond. Une ville, un département, une région, sont des marques dont la cible est globalement très large mais surtout très exigeante. De 7 à 77 ans pour simplifier, contribuable pour couronner le tout. Musicalement on s’adresse à tous, on doit être compris de tous, mais cela ne doit en aucun cas priver l’identité sonore d’une richesse lexicale, d’une personnalité affirmée. Il s’agit avant tout de faire parler l’âme de la ville, de la métropole ou du territoire avec toute sa complexité sociale, économique, culturelle, géographique… Vouloir illustrer la modernité et la proximité ne suffit pas ou ne suffit plus. Il faut pouvoir englober dans l’identité sonore toute la richesse et la différence d’une ville, toute son ambition, tous ces projets d’avenir.
C’est vrai. Aujourd’hui, ce que nous pouvons entendre semble encore trop peu approfondi. « Un sifflement de cow-boy inattendu rappelant la ballade, la détente, le bon vivre pour contrecarrer les clichés habituels de la ville » pour la ville de Saint-Étienne. C’est un peu court. « Le dynamisme, l’accessibilité, la modernité entre autres valeurs classiquement utilisées pour le département du Rhône », c’est sans doute un premier pas, bien produit, pour By Music qui en appellera d’autres.
Les villes méritent certainement des strates musicales à syntaxes plus riches, plus élaborées, sans tomber non plus dans la complexité. Si nous pouvons saluer les précurseurs, nous attendons des suivants, un peu plus de maturité. L’expertise que cela requiert n’est pas forcément facile d’accès. Rémy Vernier, ancien directeur de la communication à Perpignan, disait dans une intervention l’an passé que la professionnalisation de la communication des territoires passait par l’identité sonore mais que l’identité sonore passait par de vrais professionnels que les territoires n’osent pas toujours aller chercher.
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