De nombreuses rumeurs concernant Eto'o circulent en ce mercato 2011. la plus persistante l'envoie à Manchester City, soit dans un échange avec Tevez qui est partant pour conclure le deal, soit pour un transfert "sec". Le joueur s'est exprimé là-dessus. Loin des micros pour dire qu'il était plutôt favorable à un dernier grand contrat à 30 ans et surtout vers la Premier League, et dans la presse pour démentir tout projet de départ. Quant aux deux entraîneurs, Mancini pour City et Gasperini pour l'Inter, ils ont tenu le discours traditionnel en pareille circonstance : non, il n'y a aucune discussion sérieuse, les deux joueurs sont des cracs mais chacun est très bien là où il se trouve, etc.
Au-delà de cette mise en scène à laquelle les habitués n'accordent évidemment aucune foi, on peut s'interroger sur la pertinence d'un départ d'Eto'o de l'Inter, en analysant la chose d'un point de vue strictement sportif. Et là, on conseillerait à Eto'o d'aller à Manchester.
D'abord parce que, malgré la succession d'entraîneurs sur son banc, l'Inter Milan demeure une équipe très peu joueuse, dont l'élaboration offensive est plutôt poussive et embrouillée, et dont la stratégie défensive relève du suicide permanent. Malgré quelques matches réussis, on peut clairement constater que Samuel Eto'o ne se fait pas souvent plaisir en Italie. Beaucoup de travail d'appel et de replacement, compris une fois sur dix par ses partenaires. Trop d'à peu près, d'hésitation, de confusion dans le jeu. Chaque joueur de l'Inter, lorsqu'il reçoit un ballon, semble se demander ce qu'il doit en faire. La cohésion est rare, le jeu décousu, et les combinaisons relèvent de l'horoscope.
Si Samuel Eto'o souhaitait un match référence pour l'aider à prendre sa décision, la rencontre Inter-City de ce dimanche 31 juillet, comptant pour la Dublin Super Cup, devrait l'avoir suffisamment renseigné. Le goléador camerounais s'est épuisé sur le front de l'attaque, abandonné par un milieu de terrain qui avait la tête ailleurs (Pandev), qui ne pensait qu'à allumer des mèches de 30 mètres (Sneijder et Stankovic'), ou qui se débarrassait du ballon dans les pieds des adversaires (Muntari et autres).
En face, quel régal de voir fonctionner le milieu de Manchester City avec, surtout, un certain David Silva. L'Espagnol représente exactement le profil de joueur qui a toujours manqué à l'Inter pour mettre de la densité dans son entre-jeu : déplacements à propos, vista et surtout technique hors norme lui permettent d'amener le danger par son seul port de balle et d'alimenter judicieusement les attaquants. Eto'o retrouverait aussi à City un certain Yaya Touré, qui fut son partenaire à Barcelone, et qui saura mieux combiner avec lui que ses partenaires actuels de l'Inter.
Il est évident qu'un seul match demeure insuffisant pour établir ce genre de "benchmark", d'autant que de nombreux titulaires manquaient à l'appel. Mais les insuffisances de l'Inter demeurent les mêmes quelle que soit la formation alignée, l'exception notable de Coutinho et Kharja la saison dernière. Or, le Marocain est retourné à Gênes (peut-être en transit) et le Brésilien, actuellement à la Coupe du Monde des U-20, n'est pas encore suffisamment capé pour devenir le dépositaire du jeu au milieu des Sneijder, Stankovic' et autres monstres sacrés.
Le tableau est vite tracé. Les statistiques comparatives du match de ce 31 juillet sont sans appel : 18 occasions de but pour City, et 9 pour l'Inter, dont 6 tirs de plus de 20 mètres. Eto'o n'a pu pénétrer dans la surface en situation dangereuse qu'une seule fois. Il a effectué exactement douze appels dans la profondeur et sollicité 6 une-deux qui n'ont jamais été compris par ses partenaires. Pendant ce temps, les joueurs de City combinaient tranquillement dans le camp de l'Inter (n'importe quelle équipe combine tranquillement dans le camp de l'Inter) et mettaient leurs attaquants en position d'apporter le danger en moyenne toutes les 5 à 6 minutes.
La conclusion est claire : Eto'o serait plus utile, plus à l'aise et se ferait plus plaisir à City, d'autant que le jeu en Angleterre est plus direct et plus ouvert qu'en Italie où les défenses sont les plus rugueuses d'Europe (euphémisme pour "rugueuses"). Certes, Manchester City n'est pour l'instant qu'une constellation de stars. Certes, le shopping frénétique effectué depuis 2008 par le prince Mansour Bin Zayed demeure insuffisant pour donner au deuxième club de Manchester une âme.
Mais les Citizens ont fait jusqu'ici l'offre la plus sérieuse pour Samuel Eto'o. En signant, le capitaine des Lions Indomptables aura bouclé la boucle et pourra se targuer d'avoir visité le triangle d'or Liga-Calcio-Premier League. A défaut, il restera à l'Inter, marquera quelques buts, et passera l'essentiel de son temps à effectuer des appels auxquels personne ne répond.