Sortilège
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Entre cinq et sept heures ce soir,
j’étais étendu dans le canal du sommeil. Attaché
à ce monde uniquement par l’espoir
je tournais dans un courant de rêves noirs.
Au même moment, le temps
subissait une métamorphose.
Se déréglait. Ce qui avait été auparavant
détestable et piteux, mais compréhensible,
enflait, devenait
méconnaissable. Quelque chose de violemment haineux.
Vu mon état de désespoir, je n’avais
pas besoin de ça. C’était la dernière chose
que je voulais. Aussi, rassemblant toute mon énergie,
je l’ai envoyé promener. Lui ai fait longer la côte
jusqu’à un grand fleuve que je connais. Un fleuve
de taille à s’occuper d’un sale temps
comme ça. Et si le fleuve doit se réfugier
sur des terres plus hautes ? Donnez-lui quelques jours.
Il trouvera son chemin.
Alors tout sera comme avant. Je jure
que ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir, et encore.
Oh, la semaine prochaine à cette heure-ci j’aurai oublié
ce que je ressentais en écrivant ceci.
Je ne me rappellerai pas que j’ai mal dormi
et que j’ai rêvé un moment ce soir…
pour me réveiller à sept heures, contempler
l’orage et, passé le premier choc –
reprendre courage. Réfléchir longuement
à ce que je veux, ce à quoi je pourrais renoncer
ou tourner le dos. Et ensuite le faire !
Sans hésiter. Avec des mots, et des signes.
- Traduction de l'anglais ( Etats-Unis ) par Emmanuel Moses - Extrait du recueil La vitesse foudroyante du passé ( titre original Ultramarine ) - Point Poésie -
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- Photographie : Michael Kenna - Red Morning ( Easter Island - Chile 2001 ) - Source exposition BNF -
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