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Mort du pape du nouveau roman

Par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Le « pape du Nouveau Roman » est mort. Le « Nouveau Roman » ? Une révolution du regard. Et de la plume.  Une recherche de la perfection froide. Qui a suscité, chez les lecteurs, intérêt, enthousiasme ou rejet. Une mode aussi. Qui s’est démodée. Mais qui annonçait d’autres phénomènes de société, d’autres recherches de sobres attitudes : la « nouvelle critique », les « nouveaux philosophes », le « nouveau journalisme » (trop éphémère), les "nouveaux consommateurs",la "nouvelle gauche", la "nouvelle droite" et…la « Nouvelle cuisine ».

« Tout ce quart de siècle (de 1950 à 1975) a été marqué, dans les arts, la pensée, l'idéologie, par une vive effervescence révolutionnaire, un immense enthousiasme créateur, un goût téméraire pour le combat contre les idées reçues et les formes consacrées », notait Robbe-Grillet dans une ITW au Nouvel Obs.

Goût de (vraies) ruptures avec des conformismes trop confortables ? Sans doute. Mais le propre d’une « Avant-garde » n’est pas toujours de conserver de l’avance. Le nouveau ne reste pas neuf. Et le pire des conformismes se niche souvent dans l’anticonformisme systématique. La « soif de pureté » est la première source des intégrismes, dans tous les domaines. Et dans l’écriture le gommage de toute intériorité rend la lecture…très extérieure. Trop sans doute. Au moins cette recherche souvent indigeste dans l’art d’écrire et de décrire mérite-t-elle d’être reconsidérée à la lumière… des ombres d’aujourd’hui. Avec une littérature non de gare mais de télé-scénariste qui ne recherche que l’audience par la digestion facile. L’évasion par l’évaporation de l’esprit. « Montée de l’insignifiance »redirait Castoriadis…

Daniel RIOT

(photo Sipa reprise sur BIBLIOBS) 

LES FAITS :   L'écrivain Alain Robbe-Grillet est mort d'une crise cardiaque dans la nuit de dimanche à lundi, apprend-on lundi 18 février. Il avait 85 ans. Selon Le Monde, Alain Robbe-Grillet a succombé à une crise cardiaque au centre hospitalier universitaire de Caen où il avait été admis durant le week-end. Le journal cite Olivier Corpet, un ami de l'écrivain et directeur de l'institut "Mémoire de l'édition contemporaine".

Né le 18 août 1922 à Brest, Alain Robbe-Grillet est l'auteur de plusieurs dizaines de livres, dont "Les Gommes" (1953), "La Jalousie" (1957) ou "Le Voyeur" (1955). Ecrivain et cinéaste, il fut dans les années 1950-1960 l'une des figures de proue du mouvement du Nouveau Roman autour des Editions de Minuit.

Elu le 17 mars 2005 à l'Académie française, il n'avait jamais été "reçu" et n'a jamais siégé sous la Coupole.

CITATIONS CHOISIES 

« L'aventure du Nouveau Roman, durant sa période militante, c'est-à-dire en gros de 1950 à 1975, n'est pas un phénomène isolé. Tout ce quart de siècle a été marqué, dans les arts, la pensée, l'idéologie, par une vive effervescence révolutionnaire, un immense enthousiasme créateur, un goût téméraire pour le combat contre les idées reçues et les formes consacrées. Tout cela très vite relayé par la grande presse. Rappelez-vous: mes premiers articles de «théorie littéraire», fort subversifs, paraissaient dans «l'Express» et «l'Observateur»!

«J'ai eu la chance alors de pouvoir réunir chez Jérôme Lindon, sous la bannière étoilée des Editions de Minuit, un certain nombre d'écrivains méconnus, superbement novateurs, «illisibles», disait la critique au pouvoir. L'effet de groupe a aussitôt joué: nous avancions comme un bataillon de mécréants et de terroristes, nous étions des réprouvés, mais l'on sentait que «la révolution brûlait dans nos cœurs». Non pas la révolution sociale de l'engagement sartrien, mais la transformation radicale des textes, qui sont le tissu de notre vie. Aujourd'hui où nous envahissent les best-sellers préfabriqués, le politiquement correct et la télévision digestive, il est normal que cette époque de recherches extrêmes, qui semble déjà si lointaine, continue à briller dans le noir. »

ITW  dans le  Nouvel Observateur du 18/09/1997.

 «L'écrivain doit accepter avec orgueil de porter sa propre date, sachant qu'il n'y a pas de chef-d'oeuvre dans l'éternité, mais seulement des oeuvres dans l'histoire.»

(Pour un nouveau roman)

"La conscience et le monde sont donnés d'un même coup: extérieur par essence à la conscience, le monde est par essence relatif à elle."

(Sartre, une idée fondamentale de Husserl: l'intentionnalité, Vrin, collection Textes et commentaires, 2003. Texte publié pour la première fois dans la NRF n°304 en Janvier 1939).

"Connaître c'est "s'éclater vers", s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer là-bas, par delà soi, vers ce qui n'est pas soi, là-bas, près de l'arbre et cependant hors de lui car il m'échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne peut se diluer en moi: hors de lui, hors de moi".

(Sartre, Ibid.)

"La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière. Être dit Heidegger c'est être dans le monde". (Sartre, Ibid.)

"Que la conscience essaye de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s'anéantit." (Sartre, Ibid.)

"Haïr autrui, c'est une manière encore de s'éclater vers lui, c'est se trouver soudain en face d'un étranger dont on vit dont on souffre d'abord la qualité objective de haïssable."( Sartre, Ibid).

"Husserl a fait place nette pour un nouveau traité des passions qui s'inspirerait de cette vérité si simple et si profondément méconnue par nos raffinés: si nous aimons une femme c'est parce qu'elle est aimable"

(Si le narrateur désire sa femme A... c'est parce qu'elle est désirable.Sartre, Ibid).

"Nous voilà délivrés de Proust. Délivrés en même temps de la "vie intérieure": en vain chercherions-nous[...], comme un enfant qui s'embrasse l'épaule, les dorlotements de notre intimité, puisque finalement tout est dehors, tout, jusqu'à nous-mêmes: dehors, dans le monde, parmi les autres. Ce n'est pas dans je ne sais quelle retraite que nous nous découvrirons: c'est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes".Sartre, Ibid.

«Une explication, quelle qu'elle soit, ne peut être qu'en trop face à la présence des choses.»

Pour un nouveau roman

«Rien c’est n’importe quoi mais ce n’est pas rien pour autant.»

( Colloque de Cerisy)

« Il y a dans l'écriture comme une sorte d'être-là qui déjoue, qui absente l'interprétation ».

 ( A propos de Roland Barthes, Colloque de Cerisy).

« Un des problèmes qui ont le plus remué les consciences du XXe siècle, et tout le roman moderne: celui de la cohérence du réel. »

Djinn (1981)

"Comment un roman [...] qui met en scène un homme et s'attache de page en page à chacun de ses pas, ne décrivant que ce qu'il fait, ce qu'il voit et ce qu'il imagine, pourrait-il être accusé de se détourner de l'homme?"

(Nouvelle Revue Française, 1958).

"Non seulement c'est un homme qui, dans mes romans par exemple, décrit toute chose, mais c'est le moins neutre, le moins impartial des hommes : engagé au contraire toujours dans une aventure passionnelle des plus obsédantes, au point de déformer souvent sa vision et de produire chez lui des imaginations proches du délire."

(Pour un nouveau roman,, 1961.)

"Quand j'ai commencé à écrire, on a peu vu les spectres et les fantômes dans mon écriture. On a plutôt voulu y voir du rationalisme. Un livre comme la Jalousie est passé pour le plus bel exemple de rigueur austère et les critiques ont appelé çà une "une écriture de géomètre", ce qui était l'injure suprême: un géomètre! C'était peut être une écriture de géomètre mais alors il s'agissait d'une géométrie non euclidienne comme on aurait dû s'en apercevoir assez rapidement."

(Préface à une vie d'écrivain, 2005).

"Le narrateur de « la Jalousie » est  absent du roman, il ne dit jamais ni "je" ni "il" mais parle du monde extérieur. Sa conscience est entièrement tournée vers l'extérieur et il n'observe jamais son intériorité."

(Préface à une vie d'écrivain, 2005).

"A la limite, pour se moquer de la Jalousie, on pourrait dire qu'il ne s'y passe rien du tout, que ce sont des gens qui prennent toujours le même apéritif sur la terrasse, de l'eau de Perrier avec du cognac.[...]Trois personnes prenant l'apéritif et c'est toujours la même scène à tel point que le brave critique Emile Henriot écrivait dans son article du Monde qu'il avait l'impression d'avoir reçu un exemplaire défectueux.[...]A ses yeux, c'était toujours la même scène qui se déroulait avec quelques variantes et sans que l'intrigue avance. En réalité, elle avançait mais il ne s'en rendait pas compte." (Préface à une vie d'écrivain),.

  • Une biographie d'Alain Robbe-Grillet, par lui-même
  • Alain Robbe-Grillet sur le site de l'Académie française
  • Une biographie, bibliographie
  • Une filmographie
  • A propos "d'Un Roman sentimental" (2007)
    COMMENTAIRE RELATIO par DANIEL RIOT

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LES COMMENTAIRES (1)

Par nadia
posté le 10 mai à 18:24
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est ce que le roman d'albert camus est un roman maitrise bien les caractéristiques du nouveau roman ou non?

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