Des nouvelles d'hier, Robin Black

Publié le 31 juillet 2011 par Antigone

"Je ne lui parle pas des illusions que j'ai entretenues un temps. Celles du début. Lorsque je pensais essayer de vous raisonner. Essayer de vous faire croire en ma vie. En ma simple existence. Je ne lui dis pas cela."

Les personnages de Robin Black sont en pleine transformation, mutation.
Juste au moment où l'on commence à nous dresser leur portrait, quelque chose arrive dans leur vie qui les déstabilise, leur donne à réfléchir sur le sens de leur existence.
C'est un père qui doit laisser sa fille aveugle accéder à l'autonomie, une femme en butte avec un voisin indifférent alors qu'un cancer la ronge, une peintre qui voit au travers de ceux qu'elle portraitise et aimerait l'ignorer, une enfant surprenante de froideur, une soeur qui tue son frère par inadvertance ou une femme qui ne peut plus aimer vraiment depuis que son mari n'est plus...

Très souvent, un coup de coeur de lecture nous est personnel, car il marque avant tout l'instant d'une rencontre. En fait, cela m'arrive tout le temps, et je ne suis pas tellement étonnée ensuite qu'il ne soit pas totalement partagé par vous. L'effet de surprise est alors passé, sans doute, ou alors c'est autre chose... La rencontre avec un livre est parfois une histoire si intime, si fulgurante, inscrite dans le moment, unique, un coup de foudre en somme. Ensuite, la lune de miel se poursuit un peu, ou bien l'effet ne dure pas...
L'écriture de Robin Black promet elle un effet à long terme. Et ne vous y trompez pas, voici un livre de grande classe. J'en ai aimé le style - dont j'ai retrouvé avec beaucoup de gratitude la texture dans ses remerciements de fin d'ouvrage - un style fait de douceur et de volonté. Mais attention, nous sommes dans un univers désanchanté, cruel. Ici, les actes sont manqués et la position la plus courante l'immobilité. Chez Robin Black, on observe sa vie, la déchéance vers laquelle elle tombe, les espoirs qu'elle suscite, et surtout ce sur quoi on ne peut avoir prise. Et à la fin, lorsque le dernier mot de la nouvelle est posé, on ne sait plus vraiment si l'enfer ce sont les autres, ou simplement les ornières dans lesquelles on a aimé un temps s'enliser.
Un recueil de nouvelles dont la grande qualité m'a énormément réconfortée...

 Coup de coeur ! - Editions Flammarion - 20€ - Janvier 2011

Cathulu a été la tentatrice avisée de ces pages "bluffantes de vérité"- Pour cuné "Plombant,  éprouvant, triste, assez terrible, en fait, mais surtout impeccablement écrit (et traduit)."