Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil

Par Lael69
Haruki Murakami
10/18
Collection Domaine étranger
Traduit du japonais par Corinne Atlan
Paru en Février 2003
224 pages
7 euros


Quatrième de couverture :
Hajime a connu pour la première fois l'amour en compagnie de la douce Shimamoto-San. Séparés par la vie, il n'a pourtant jamais oublié. Aujourd'hui, à l'aube de la quarantaine, Hajime est devenu un homme ordinaire et s'est construit une vie agréable entre sa famille et un métier qui lui plaît. Ce fragile équilibre résistera-t-il à ses retrouvailles avec Shimamoto-San ?
Dans le Japon des années soixante, Hajime est enfant unique, ce qui est très rare dans un modèle familial où chacun a un frère ou une soeur. Son enfance est profondément marquée par le regard des autres jusqu'au jour où il rencontre une autre petite fille, enfant unique aussi : Shimamoto-san. Ensemble, ils découvrent la musique, le bonheur d'une amitié profonde et créent un lien intime de confiance évoluant sur un amour naissant. Puis la vie les sépare. Shimamoto-san déménage et chacun part dans un collège différent. Ils s'éloignent. Depuis leur séparation, Hajime ressent l'absence de Shimamoto-san comme une souffrance. Il lui manque quelque chose. Il a une nouvelle copine, la trompe, puis il va à la fac, papillonne à droite à gauche, obtient un premier travail qui l'ennuie. Tout coule dans une lente torpeur et Hajime observe, pense sa vie au lieu de vibrer. Jusqu'au jour où Yukiko apparaît. Il se marie, a deux enfants qu'il adore, ouvre son club de jazz. Mais le confort d'une vie bien rangée n'a rien à voir avec le bonheur éprouvé dans son passé aux côtés de Shimamoto-san dont le souvenir plane tel un spectre annonçant la fin de cette belle harmonie...
L'atmosphère comme souvent dans les romans d'Haruki Murakami est empreinte de nostalgie, d'une mélancolie qui plane sur le destin des personnages qui courent après leur passé et détruisent un avenir qui pourtant s'annonçait heureux avec femme, enfants, réussite professionnelle. Dans ce roman, on a constamment l'impression d'être à la recherche de... d'être en attente de quelque chose ou plutôt de quelqu'un qui viendrait nous ouvrir les yeux sur notre vie. Hajime vit dans un manque, un vide qu'il ne peut combler. Il se pose beaucoup de questions sur sa jeunesse, sur la tournure des évènements de sa vie, sur son passé, son présent. Haruki Murakami présente deux personnages totalement différents : Hajime est très égocentrique, égoïste, assez capricieux, reproduisant les mêmes erreurs même si il fait souffrir son entourage alors que Shimamoto-San est une femme impénétrable, insaisissable, fuyante dont la présence est fugitive et éphémère. C'est un roman qui évoque l'acceptation de soi, la remise en question et qui parle du temps qui passe, de ce que l'homme ne peut irrévocablement changer, du vieillir tout doucement et du ressentir. C'est l'histoire d'un homme qui se retourne en arrière en essayant de comprendre qui il est et pourquoi son esprit est obsédé par cette petite fille Shimamoto-San qu'il n'a pas vue depuis vingt-cinq années. Elle réapparaît et vient chambouler la vie d'Hajime dont le coeur devra choisir l'amour ou la raison, la passion ou la retenue. Au final Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil est une histoire d'amour étrange faite sur le manque, la détresse et l'absence entre deux personnages dont l'altérité est réciproque. Toujours aussi surprenante est l'issue du livre dont on ne sait si Shimamoto-san est réellement réapparue ou si c'est Hajime qui a fantasmé pour se guérir... A chaque lecture d'un roman de cet auteur, je ressors perplexe, nostalgique, enchantée aussi de cette inquiétante étrangeté.
Les avis de Papillon, Karine, Tulisquoi