Cette même surprise m’a de nouveau étreint il y a quelques jours grâce à The Murderer. Pourtant il y a deux ans, The Chaser, le premier film de Na Hong-Jin, figurait parmi mes longs-métrages favoris de l’année, et révélait le talent d’un nouveau cinéaste coréen. C’était un polar, sinon social, du moins conscient de certains maux inhérents à son pays. Mais c’était surtout une course haletante et exaltante, une maestria de mise en scène qui se sublimait dans un Seoul baigné de nuit.
Avec The Murderer, et après le succès considérable et inattendu de The Chaser (en Corée), je ne m’attendais pas à ce que Na Hong-Jin plonge encore plus loin dans la noirceur humaine. Il aurait pu profiter de sa nouvelle notoriété pour viser un public plus large, pour mettre un peu d’eau dans son vin. Il n’en est rien. Et au lieu de polar, nous sommes naviguons ici clairement dans le drame social. Gu-nam est un Joseon-jok, un coréen de Chine habitant (misérablement) au-dessus de la Corée du Nord. Endetté, au pied du mur, il accepte la proposition d’un type louche mais charismatique : aller tuer un type pour lui à Seoul, en échange d’une somme d’argent suffisante pour éponger ses dettes et reprendre sa vie en main. Ce premier acte dépeint un univers brut et désenchanté. Une vie sans lumière à la photo grise, aux mines sales, aux cœurs amers.
D’autant qu’au plus fort de l’action, le réalisateur ne délaisse jamais ses personnages à l’âme grise et à l’horizon funeste. Kim Yoon-Seok, en manipulateur increvable, impose un charisme machiavélique et hérite du rôle du bad guy après avoir personnifier l’anti-héros de The Chaser, à l’inverse de Han Jung-Woo auquel la rage effacée sied bien comme le calme du psychopathe lui collait à la peau dans The Chaser. Le dénouement vers lequel convergent les personnages, noueux et cherchant plus à nous bousculer qu’à nous éclairer simplement, n’est pas de ceux qui prévalent sur le chemin parcouru. Un chemin sinueux, sûrement trop long, élagué à coups de haches et de couteaux, des armes tranchantes qui deviendraient presque indissociables du film noir coréen.Après J’ai rencontré le Diable, le cinéma coréen est décidément sanglant et désespéré ces jours-ci.