Enfin. Après quelques mois de discrétion forcée, le temps de se reconstruire une image plus présidentielle, une nouvelle séquence débute pour Nicolas Sarkozy. Le Chef de l'Etat profite
d'une actualité favorable pour reprendre la main sur le jeu politique national avec la question de la dette publique que paradoxalement il a contribué à creuser en multipliant les exonérations
fiscales. Mais peu importe. La petite musique de l'Elysée a commencé. Celle qui nous raconte que Nicolas Sarkozy a changé. Qu'avec ou sans talonnettes il a pris de la hauteur et de l'épaisseur
pour devenir un président protecteur.
La grande opération de communication autour de "la règle d'or" illustre ce souci de réécrire l'histoire. Après avoir asséché avec soin les recettes publiques et contribué à rendre la
puissance publique impécunieuse Nicolas Sarkozy se présente comme l'incarnation de la vertu budgétaire en tentant de laisser dans le marbre de la Constitution une disposition garantissant
l'équilibre des comptes publics.
Encore un coup d'esbroufe avec un décor théâtral comme le Chef de l'Etat les affectionne. Ce sera donc le parlement réuni en Congrès à Versailles. Un piège grossier mais redoutable pour
l'opposition destiné à démontrer à la face de l'opinion publique que toute alternance politique reviendrait en cas de rejet de la disposition à confier les clés de la Maison France à de piètres
gestionnaires, à des "irresponsables". A l'inverse le vote par le PS de la mesure, en lui ôtant toute marge de manœuvre, lui couperait les ailes en cas de succès en 2012. Machiavel est de
retour.
François Hollande dénonce la manœuvre. " Nicolas Sarkozy n'a aucune leçon à donner, il a même plutôt une repentance à avouer : c'est sous son mandat que les comptes publics
se sont dégradés avec la plus grande rapidité et, hélas, la plus grande intensité" a déclaré le député de Corrèze le 25 juillet.
"A la fausse règle d'or d'un Sarkozy qui a plombé les comptes de la nation, je préfère une vraie règle de conduite, celle que je m'engage à suivre si je suis élue Présidente de la
République en 2012 : affecter la moitié des marges de manoeuvre au désendettement du pays, qu'il s'agisse de celles issues de la réduction des niches fiscales injustes et inefficaces, ou des
fruits de la croissance" a de son côté indiqué Martine Aubry.
Les chiens aboient, la caravane passe. Le processus de primaires en divisant les socialistes prive leurs propos de la caisse de résonance médiatique. Le temps que les socialistes aient
désigné leur champion pour 2012, le piège de la "règle d'or" se sera refermé.
Contrairement aux baïonnettes, on peut tout faire avec la Constitution, même s'asseoir dessus. Le beau costume présidentiel de Nicolas Sarkozy a des coutures un peu trop apparentes.
Jean-Pierre Bel, le patron des sénateurs socialistes est le seul élu à s'interroger sur l'utilisation d'un vide juridique pour adresser une lettre à tous les parlementaires.
Dans Mediapart, Denys Pouillard,
directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, décrypte la lettre diffusée le 26 juillet 2011 aux parlementaires par le Chef de l'Etat. "La séparation des pouvoirs déjà malmenée depuis quatre ans vient de
subir un coup de scalpel, comme jamais dans l'histoire de la Ve République... comme jamais dans l'histoire de nos institutions" estime-t-il en relevant la docilité des présidents des deux
chambres devant les exigences présidentielles.
Le storytelling millimétré des communicants présente une faille de taille : la personnalité elle-même de Nicolas Sarkozy, hautement complexe et marquée par ce mélange
d'autoritarisme et d'affairisme qui renvoie immanquablement à Napoléon III. N'est-ce pas après tout ce que tentera de nous faire oublier l'opportune grossesse de Carla
Bruni-Sarkozy ?