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Moi, j'aime les arrêts de bus. Il y a beaucoup de choses qu'on devrait taire. Qu'il vaudrait mieux cacher ou ignorer. Le jeu des apparences est souvent une nécessité. Les rôles qu'on se donne! Dans un territoire aussi circonscrit, l'air n'est pas donné à tout le monde. Ainsi, pour entrer dans le bus avant que la porte se ferme, il faut avoir un coeur d'acier. Il arrive que l'on reste à quai, ce qui est dommageable d'un point de vue utilitaire. Mais c'est une situation que l'on peut détourner à son avantage. Car le temps est un cadeau du ciel. Moi, j'aime les pauses imposées qui font oublier la pose. Posez-vous un instant, petit oiseau voletant, le ciel peut attendre. Vous boirez bien un Ricard? Et vous gente demoiselle, que me dites-vous? Que je philosophe. Vos mots sont plus doux à mes oreilles que le plus onctueux des miels de Savoie. La philosophie est un des plus beaux luxes auxquels peut s'adonner un esprit humain. Croyez-moi si vous voulez, nous sommes des êtres extraordinaires, doués de raison et d'amour. Mais nous sommes aussi capables des pires délires et des délits les plus sauvages. Les circonstances nous mettent sous pression et à l'épreuve. Quand tout va bien, la générosité et la noblesse sont aisées. Mais quand le sol se dérobe sous nos pieds, c'est là que nous devons montrer de quel bois nous nous chauffons. Les purs égoïstes exigeront leur récompense immédiate. Les âmes bienveillantes et modestes savent bien que bien mal acquis ne profite jamais. L'arrogance des temps modernes. Le terrible sentiment de supériorité des générations actuelles. La conscience du passé qui se perd, qui s'efface. Effacez, effacez tout ce qui est écrit sur le tableau. Vos pensées sont englouties dans un tourbillon d'images hypnotiques. Vous vous figurez que vous êtes les rois du monde. La belle rigolade! Vous n'êtes que poussière à venir. Comme moi.