Le plan de sauvetage annoncé, jeudi 23 juillet, est une bonne nouvelle, mais il est en effet totalement insuffisant, comme l'a justement souligné François Hollande.
La France ne fait plus partie des bons élèves de l'Union européenne (UE) en termes de gestion des comptes publics. Alors qu'en 2007, elle l'était, dépassant de peu les critères de Maastricht, fixés à 60 % du PIB (sa dette publique rapportée au PIB était de 63,7 %, contre 66,2 % du PIB pour l'Allemagne), la dette française est passée depuis la crise à 86,2 % du PIB, soit 10 points au-dessus de la dette allemande, qui s'établit à 76,7 % du PIB. Ces données s'aggravent dans les projections 2012, avec un écart de plus de 14 points entre la France et l'Allemagne (91,4 % du PIB pour la dette française contre 77 % pour la dette allemande).
Si la crise financière de 2008 a contribué à creuser nos déficits, l'écart grandissant avec l'Allemagne - tout aussi affectée par la crise financière - tient donc aux options de politiques budgétaires et fiscales retenues par le gouvernement français.
Il faut retrouver un cercle vertueux pour l'équilibre des finances publiques. La pression spéculative des marchés financiers, très forte, on l'a vu, au travers des crises grecque et irlandaise, la distribution disparate des compétences européennes, la charge sans cesse croissante des intérêts de la dette dans les budgets des Etats venant les paralyser, imposent un retour à une gestion saine des finances publiques qui ne peut se limiter à un plan d'austérité supporté par quelques-uns.
Au-delà de critères quantitatifs, et pour un même montant de dépenses, les arbitrages financiers opérés, on le sait, conditionnent la charge de la dette pour des décennies. Il convient d'opérer ces arbitrages avec expertise et clairvoyance. Il convient encore d'offrir aux Etats un meilleur pouvoir de négociation afin d'opérer au mieux sur les marchés financiers. La comparaison franco-allemande de la gestion de la dette publique montre qu'il n'y a pas de fatalité face à la conjoncture : il s'agit avant tout d'incitations et d'intelligence collective.
Le cercle vertueux pourrait utilement se redéfinir dans un contexte européen au travers de la création d'une agence européenne de la dette. La difficulté dans laquelle se trouve l'Europe provient non pas d'un excès d'Europe mais d'un déficit. On se trouve face à un manque abyssal de cohérence qui conduit à des comportements quasi suicidaires pour les Européens et leurs économies, à une absence de coordination de la gestion de la dette européenne, limitée à un encadrement quantitatif des déficits et de la dette qui vole en éclats à la première crise importante.
Tout cela ne suffit plus. Il faut franchir un seuil décisif qui doit déboucher sur la création d'emprunts obligataires européens émis par une agence européenne des trésors nationaux pour couper court aux spéculations qui ne cessent d'opposer les Etats membres entre eux et d'aggraver les rivalités et les dissensions dans l'Union. Enfin, cette agence viendra améliorer le pouvoir de négociation de nos Etats, seuls et divisés face aux marchés financiers tout-puissants.
Elle pourra contracter un grand emprunt européen qui servira à mutualiser le risque, afin de réduire la prime de risque des pays attaqués. Elle pourra encore contracter à très long terme, ce qui permettra de restructurer l'encours de la dette actuelle. En outre, un système européen des trésors nationaux devra avoir pour mission la croissance et l'équilibre budgétaire, et pourra rendre compte pour plus de transparence aux Parlements nationaux. Enfin, une agence internationale de notation devra être créée pour noter les Etats membres de l'UE. Elle pourra être hébergée par le Fonds monétaire international. L'accès à des conditions de refinancement plus attractives serait conditionné aux performances de long terme des Etats membres établies par cette agence de notation.
Elle devra, en effet, privilégier l'équilibre des finances publiques à long terme plutôt qu'à très court terme, contrairement aux pratiques actuelles des agences de notation internationales qui, en surréagissant aux événements de court terme, amplifient la crise des dettes souveraines dans l'Union.
Jean-Pierre Balligand est député (PS) de l'Aisne et vice-président de l'Assemblée nationale
Gilles Bronstein, pseudonyme d'un fonctionnaire européen
Jean-Pierre Balligand et Gilles Bronstein
http://www.lemonde.fr/imprimer/article/2011/07/23/1552078.html
à lire :