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Quand Enki Bilal plaçait Tito sur la Lune

Par Christophe Greuet
Quand Enki Bilal plaçait Tito Lune

La filmographie d’Enki Bilal est un musée. Chacun de ses films est un tableau, un peu abstrait, d’un genre qu’on aime ou qu’on déteste. Au début, le spectateur n’en saisit pas vraiment le sens. Il faut se plonger dans l’imagination d’Enki Bilal, idéaliste et absurde, pour pouvoir l’apprécier. Sept ans avant le succès public et critique d’Immortel (2004), le dessinateur réalisait Tykho Moon, un OVNI de la science-fiction.


L’histoire de Mac Bee (Michel Piccoli), le dictateur de la Lune, qui lutte contre la maladie. Seul moyen d’arrêter le virus : le sang de Tykho Moon (Johan Leysen), un artiste amnésique. Un tueur à gage américain (Richard Bohringer) et un agent double (Julie Delpy) vont aider le fugitif à échapper aux miliciens du dictateur.
Ce conte philosophique, riche en intrigues de palais, est avant tout politique : l’histoire veut démontrer, sans être moralisateur, les dangers de l’idéologie. Face à un agent américain qui tue pour la démocratie, le dictateur Mac Bee fait référence à Tito, qui dirigeait la Yougoslavie. A l’époque, le jeune Enki Bilal y vivait. Pour lui, « tout film est forcément politique, même (et surtout) un film d’action comme Rambo. »
Néanmoins, le scénario est un peu bavard. Les dialogues, parfois absurdes, peuvent laisser perplexes. Ce n’est qu’une fois le film terminé que le spectateur peut tout comprendre. Un défaut qu’Enki Bilal corrigera dans Immortel.
Mais Tykho Moon a l’apanage d’un Brazil, une histoire ambitieuse et une brochette de stars talentueuses. Certes, la réalisation d’Enki Bilal, simple et sobre, est à des lunes d’un Terry Gilliam. Mais la caméra du dessinateur a su mettre en valeur le jeu des acteurs. Michel Piccolo s’en donne à cœur joie en dictateur ubuesque, mourrant et pathétique. Quant à Julie Delpy, elle réalise une performance en agent double et sensuelle. Richard Bohringer est plus en retrait, mais son personnage de tueur sans âme ne lui permet pas d’exprimer l’étendue de son talent.
Le rôle principal, le personnage de Tykho Moon, devait être joué par David Bowie. La star a abandonné le projet un mois avant le tournage. Enki Bilal s’est rabattu sur Johan Leysen, un comédien inconnu, qui réussit à s’imposer à l’écran. Peut-être le film aurait gagné en émotions avec Bowie... Le casting intègre également Jean-Louis Trintignant, en médecin passionné, et Marie Laforêt, en femme (très) discrète du dictateur.
Malgré les prouesses des acteurs, nombreux sont les spectateurs à avoir été déçu par le film. Et pour cause : il n’est pas conçu pour un large public. « J’ai réalisé Tykho Moon contre un système qui ne désirait pas le film, qui me disait de ne pas le faire, que ce n’était pas pour la France. » déclarait Enki Bilal en 1997. Mais grâce à Maurice Bernart, producteur de Manuel Poirier ou de Laetitia Masson, Tykho Moon a pu sortir. Malgré son caractère élitiste, le film a dépassé les 50 000 spectateurs dans une cinquantaine de salles. Un petit succès qui a permis à la star de la BD de commencer une nouvelle toile, Immortel (sorti en 2004).

Gaël Vaillant

Un film de Enki Bilal avec Julie Delpy, Michel Picoli, Richard Bohrigner, Johan Leysen.

Visionnez la bande-annonce du film :


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Orphee
posté le 27 novembre à 16:50
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