Le diesel vendu aux automobilistes européens est régulièrement mélangé à des biodiesels " sales " fabriqués à partir de colza, d'huile de palme ou encore de soja. Des recherches réalisées pour la Commission européenne ont permis de démontrer que le bilan carbone de ces biodiesels était pire que celui des carburants classiques. Pourquoi ? Les émissions de CO2 liées au changement d'affectation des sols indirects (effet CASI) doivent également être prises en compte.
A quoi roulent les Européens ?
Les échantillons prélevés par les équipes de Greenpeace dans les stations services de l'UE ont été envoyés à un laboratoire spécialisé en Allemagne, à qui l'on a confié la mission de détecter la présence de biodiesel dans les carburants proposés à la pompe et d'en déterminer la composition. C'est en France, en Allemagne, en Italie mais aussi en Suède et en Autriche que l'on a détecté les quantités les plus importantes de biodiesels. Le 'score' de ces pays varie entre 5 à 7%. La Belgique se démarque du lot avec une moyenne de 2,7 %. Quant à la composition, ils contiennent tous du soja, de l'huile de palme et du colza. Les proportions varient cependant. Le colza est largement utilisé mais la France carbure aussi beaucoup au soja, tandis que l'Italie utilise des volumes importants d'huile de palme, et la Suède de colza.
Changement d'affectation des sols
Les cultures de soja, de colza et d'huile de palme destinées au secteur de l'énergie prennent la place des cultures destinées à l'alimentation, lesquelles par un mouvement de vases communiquants se déplacent vers des zones encore inexploitées telles que les forêts, les prairies et les tourbières, provoquant la destruction d'habitats naturels propices au stockage du carbone et à la biodiversité.
Les dommages pour l'environnement sont considérables avec une augmentation importante des émissions de CO2 et une accélération de la disparition des espèces liée à la déforestation, notamment en Asie du Sud-est et en Amazonie. Les impacts sociaux sont tout aussi dramatiques avec l'aggravation de la crise alimentaire, l'amplification du phénomène d'accaparement des terres et l'augmentation des conflits avec les populations dépendantes des forêts pour leur subsistance.
Mauvais remède
Le paradoxe c'est que les gouvernements européens entendent augmenter significativement la part des agro-carburants dans le secteur des transports d'ici 2020....dans le but de promouvoir les énergies renouvelables et de lutter contre le changement climatique.
Des politiques de soutien sont mises en place à cet effet à travers toute l'Europe. D'ici 2020, l'usage des agro-carburants dans l'UE devraient ainsi augmenter de 170%, pour représenter 8,8% de la consommation d'énergie dans le secteur des transports.
Si les plans arrêtés par les gouvernements européens sont mis en oeuvre sans modifications préalables des règles, le soutien aux agro-carburants " sales " pourrait se solder par l'émission de plusieurs millions de tonnes de CO2 supplémentaires dans l'atmosphère, aggravant le changement climatique que la politique de l'UE entend combattre. Qui a dit " Au fou " !
Un marché porteur...
Les ministres et le parlement européen ont mandaté la Commission européenne en 2008 pour développer une méthodologie visant à inclure les émissions de CO2 liées à l'effet CASI (changements d'affectation des sols indirects) dans le bilan carbone des biocarburants.
Pour Greenpeace, le temps est venu pour l'Union Européenne de légiférer sur le sujet. La totalité du bilan carbone des biocarburants doit pouvoir être quantifiée, effet CASI compris. C'est un outil indispensable qui doit rentrer dans le dispositif d'analyse permettant de distinguer les biocarburants durables et à faible impact carbone des agro-carburants " sales " à l'empreinte carbone désastreuse.
Malheureusement la Commission européenne traîne et la décision, initialement prévue pour décembre 2010, a déjà été repoussée par deux fois. Le Commissaire Européen à l'Energie, Günther Öttinger, s'est engagé le 19 juillet dernier à publier des propositions à l'automne, mais l'influence des lobbies de l'industrie est grande. Le marché des agro-carburants dans l'UE est estimé à 13 milliards de dollars par an et il devrait continuer à croître dans les années à venir avec le soutien des pouvoirs publics, de quoi aiguiser bien des appétits.