Souvenez-vous de ces incantations en 2008 du Premier ministre fraîchement nommé, qui pensait avoir trouvé la martingale pour lutter contre le chômage :
Six mois plus tard, il fallut bien avouer que la crise des subprimes, que le ministre de l'économie regardait du haut de son plongeoir, venait de se muer en un raz-de-marée financier qui allait dévaster la planète économique ! Et à tous ceux qui n'ont cessé de répéter ces derniers mois que la crise était derrière nous, je demanderai juste de jeter un oeil (pas les deux, car sinon ils auraient encore une fois une excuse pour ne avoir vu...) sur les chiffres du chômage en juin 2011, publiés par la DARES.
Remarque 1 : la notion de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi est différente de celle de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) : certains demandeurs d’emploi ne sont pas chômeurs au sens du BIT et certains chômeurs au sens du BIT ne sont pas inscrits à Pôle emploi. Mais c'est tellement plus agréable de tout compliquer...
Remarque 2 : Pôle emploi classe les demandeurs d’emploi suivant des catégories (A, B, C, D, E). Les 3 premières concernent les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi et tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi : sans emploi (catégorie A), activité réduite courte d’au plus 78 heures au cours du mois (catégorie B), activité réduite longue de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie C). D'autres demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi ne sont pas tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi : sans emploi et non immédiatement disponibles (catégorie D), pourvus d’un emploi (catégorie E).
Demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi en catégories A, B, C (cvs-cjo en milliers)
[ Source : DARES, Publication sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en juin 2011 ]
Au total, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégories A, B, C s’établit ainsi à 4 103 700 en France métropolitaine fin juin 2011 (4 368 200 en France y compris Dom). Ce nombre est en hausse de 0,6 % (+25 200) au mois de juin, mais surtout il augmente de 4 % sur 1 an...
Dans le détail, cela donne le tableau suivant (cliquer sur le tableau pour l'agrandir) :
[ Source : DARES, Publication sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en juin 2011 ]
Quant au chômage des jeunes, même si l'indicateur du taux de chômage n'est pas le plus adéquat pour en rendre compte (puisque de nombreux jeunes sont encore étudiants), il donne tout de même une tendance lourde sur le fléau qui les touche :
Demandeurs d'emploi de moins de 25 ans inscrits en fin de mois à Pôle emploi, en catégories A, B, C (cvs-cjo en milliers)
[ Source : DARES, Publication sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en juin 2011 ]
Enfin, on se souvient d'une réforme des retraites bâclée par le gouvernement, contre laquelle je m'étais élevé arguments à l'appui, et dont je rappelais qu'elle ne pouvait fonctionner qu'à la condition impérative que les plus de 50 ans trouvent du travail (ou gardent celui qu'ils ont pour commencer...). Or, la tendance est là aussi prononcée depuis la crise :
Demandeurs d'emploi de moins de 50 ans et plus inscrits en fin de mois à Pôle emploi, en catégories A, B, C (cvs-cjo en milliers)
[ Source : DARES, Publication sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en juin 2011 ]
Bref, ces quelques graphiques issus de l'étude de la DARES nous montre qu'à l'instar du titre d'un article du Monde, en matière de chômage, on en est à 5 ans
d'annonces pour 5 ans d'insuccès... Le but de ce billet n'est pas de critiquer la volonté affiché de résorber le chômage - cause ô combien noble ! - mais les moyens employés qui ne font que
plonger toujours un peu plus les salariés dans le gouffre de la misère : précarisation de l'emploi au nom d'un objectif de
flexibilité des salariés, politique de salaires faibles pour gagner en compétitivité alors même que cette bataille de la
compétitivité-prix est perdue depuis longtemps avec la mondialisation (d'où l'idée très intéressante d'une démondialisation dont parle Jacques Sapir), etc. A cela, il faut rajouter des mesures
comptables et techniques plus ou moins contestables telles les
radiations des listes de demandeurs d'emploi, qui permettent au final de faire baisser marginalement le taux de chômage.
Mes propos tiennent autant d'un minimum de bon sens économique (à la veille d'une crise majeure, pas la peine d'espérer faire baisser le chômage, les salariés en activité souhaitant déjà conserver leur emploi) et d'un profond réalisme quant à la portée des promesses faites par les politiques dans ce domaine... En définitive, si avec tous les procédés de flexibilisation encouragés et développés par les pouvoirs publics (et qui débouchent sur de la casse sociale), et les radiations un peu trop rapides ces derniers temps, les chiffres du chômage version Pôle emploi ne baissent pas, c'est que la crise n'est pas terminée... Nous sommes en plein dedans !