Il y a bien longtemps, un Grand Bouleversement se produisit sur Terre.
Il fut causé par l’homme, car la civilisation était allée trop loin.
Ceux qui survécurent au Grand Bouleversement reconsidérèrent leur mode de vie, et finirent par comprendre leur responsabilité.
Afin d’assurer la survie de la planète sur le long terme, ils firent serment de vivre de manière à ne plus la blesser. Ils abandonnèrent les terres les plus fertiles et les plus accueillantes aux plantes et aux animaux pour habiter là où le climat était le plus hostile, dans de vastes communautés sous dômes appelées Domepolis
On dit que cela arriva il y a prés de 2500 ans. »
Ainsi, les Chemins de Fer Sibériens deviennent la puissance dominante dont dépendent toutes les Domepolis pour leur approvisionnement. À cette tyrannie, certains préfèrent l’Exode, soit la fuite vers des contrées plus giboyeuses. Ce que les Chemins de Fer interdisent formellement…
Gainer Sanga est un jeune champion de jeux vidéos connu sous le nom de King Gainer, jusqu’à ce qu’il soit mis en prison par des agents des Chemins de Fer pour suspicion d’organisation d’Exode. Là, il rencontre Gain Bijô, un Spécialiste de l’Exode : très vite, celui-ci s’évade avec le jeune Gainer. Au château du Duc Medaiyu, maître de la Domepolis, ils volent un Overman, une machine de guerre vestige de la technologie prodigieuse des temps anciens.
Ensemble, ils organisent le plus vaste Exode de l’Histoire. Mais les autorités des Chemins de Fer ne peuvent pas laisser fuir ces rebelles à leur autorité : une course-poursuite sanglante commence sur la toundra. Bientôt les rejoignent des troupes d’élite commandées par le capitaine Ashuam, qui a de vieux comptes à régler avec Gain Bijô…
Overman King Gainer évoque un peu le « meilleur des deux mondes » car on aura rarement vu se côtoyer d’aussi prés deux concepts à la fois fondamentaux mais pourtant presque antagonistes de l’animation nippone : en effet, les « super robots » et les « mechas réalistes » se trouvent ici réunis en une symbiose bizarrement attrayante et assez inattendue compte tenu de leur divergence profonde. Si les premiers – comme Mazinger Z (Go Nagai ; 1972), Gaiking (Tomoharu Katsumata ; 1976) ou Baldios (Kazuyuki Hirokawa ; 1980) – se veulent résolument pro-technologiques mais se montrent pourtant peu réalistes en même temps, tout aussi paradoxal que ça puisse paraître, les seconds évoquent plutôt un certain retour aux sources de la science-fiction classique qui, en reposant sur des éléments techniques et scientifiques crédibles, dénonce souvent les dérives du progrès – Gundam (Yoshiyuki Tomino ; 1979), Patlabor (Mamoru Oshii & Naoyuki Yoshinaga ; 1988), Gasaraki (Ryousuke Takahashi ; 1998) – de sorte que ces deux « espèces » d’animes représentent un peu les deux facettes d’une seule et même pièce.
Si les « mechas réalistes » ont dominé sans contestation possible les années 80, on observe depuis une vingtaine d’années une résurgence des « super robots » avec des créations telles que l’ensemble des productions qui constituent la Brave Saga (plusieurs réalisateurs ; 1990-2000) ou encore le tout récent Gurren Lagann (Hiroyuki Imaishi ; 2007) de sorte que le petit écran japonais se partage, plus ou moins équitablement, entre l’un et l’autre des genres en les tenant séparés d’une limite assez nettement définie. Ce n’est pas le cas d’Overman King Gainer et ce n’est probablement pas un hasard si cette série nous vient de celui qui fut l’auteur de la plus grande révolution du genre « mecha » il y a maintenant plus de 30 ans, car peu de gens auront compris l’immense potentiel de ce domaine précis aussi bien que Yoshiyoki Tomino. Il vaut d’ailleurs de rappeler qu’il inventa le concept même de l’hybridation de ces deux genres en réalisant Heavy Metal L-Gaim (1984)…
Compte tenu du contexte bien assez réaliste de l’univers mis en scène – qui ne va pas sans rappeler la série de romans La Compagnie des Glaces (1980-1992) de G.-J. Arnaud – un tel compromis de genres semble pouvoir s’expliquer par la troisième Loi de Clarke stipulant que toute technologie assez avancée prend nécessairement des allures de magie, même si la formulation en reste un peu maladroite. Ainsi a-t-on droit à des mecha designs qui figurent parmi les plus innovants depuis une bonne décennie au bas mot, et, à nouveau, ce n’est probablement pas un hasard si cette série est la création d’un Tomino qui toujours repoussa le concept mecha à ses limites graphiques – notamment à travers Aura Battler Dunbine (1983), Brain Powerd (1998) ou Turn A Gundam (1999).
Cette fois, cependant, le pur délire visuel se double aussi de concepts tout autant originaux qui permettent de pousser la narration sur des routes alors très rarement vues dans le genre anime, du moins pour ce qui est de la branche mecha de cette culture, car si certains Overmen permettent de figer le temps ou de manipuler la gravité, d’autres ont le pouvoir de rendre les pensées de chacun audibles pour tous ou bien de matérialiser les pires cauchemars de l’ennemi. Des armes particulièrement dévastatrices, sans conteste possible, mais aussi de belles opportunités pour explorer les faces sombres de l’humain ainsi que de remettre en question certaines des productions précédentes d’un auteur qui a fait du chemin et a certainement pris le temps de réfléchir à ses œuvres passées – cet Overman qui pousse ses victimes à la télépathie/empathie forcée n’est-il pas le versant sombre du concept newtype de Gundam après tout ? et que dire du titre de la série qui est le nom du pilote et pas celui de son mecha, dont on ignore la désignation exacte en fait ?
Mais si Overman King Gainer fourmille de clins d’œil à l’œuvre la plus célèbre de Tomino, dés le générique d’ailleurs, et jusque dans l’ambiguïté de l’identité du héros véritable de l’histoire, et j’en oublie, comme le concept d’une planète Terre dévastée par la folie des hommes, il faut malgré tout se rendre à l’évidence : cette série ne se prend pas au sérieux – et même pas du tout. Outre le générique déjà cité, qui compte parmi les plus barrés que j’ai vu depuis Brain Powerd, cette production détonne par son humour omniprésent. Ce qui reste assez caractéristique d’une facette en général peu soulignée de son réalisateur, dont l’œuvre prise dans son ensemble présente nombre de productions situées dans un tel registre. Qu’il ne faille pas y voir une création frivole pour autant, car un des nombreux messages de cette série ne va pas sans rappeler le très recommandable film Avalon (2001) de Mamoru Oshii : en effet, de champion de jeux vidéo, de la vie virtuelle donc, King Gainer devient peu à peu un champion de la vie « réelle » à travers l’école de la lutte pour la liberté, hypothèse que corrobore d’ailleurs le titre du tout dernier épisode, Gain Over (1).
De plus, on distingue assez nettement de nombreux clins d’œil à des productions passées qui sont devenues piliers du genre, telles que les mechas de type Silhouette Engines qui ne vont pas sans rappeler certains des engins les plus délirants de Dougram (Ryousuke Takahashi & Takeyuki Kanda ; 1981) ou de Xabungle (Tomino ; 1982) ou bien l’artiste Meeyan dont les chansons incitent les populations des domepolis à l’Exode, une référence assez évidente au concept Macross (Noboru Ishiguro ; 1982) – référence que, justement, Sunrise exploite aussi au même moment dans Mobile Suit Gundam Seed (Mitsuo Fukada ; 2002) – : ainsi, Overman King Gainer prend l’allure d’une sorte d’anthologie du genre mecha considéré dans sa globalité, sans plus aucune barrière d’aucune sorte entre ses deux branches principales.
Pas de conclusion possible sans évoquer les splendides qualités artistiques de la réalisation. Outre les somptueux mecha designs déjà évoqués, on retiendra une animation de très bonne facture pour une production destinée au petit écran, malgré quelques faiblesses sporadiques ici et là, ainsi que des chara designs très soignés – surtout au niveau des costumes, dont certains ne vont pas sans rappeler le travail de Jean « Moebius » Giraud, et surtout son œuvre-phare Arzach (1975-1976) – ainsi qu’une atmosphère globale très immersive, qui rappelle souvent l’architecture de fer du XIXe siècle pour ses décors mais aussi certaines parures. Pour ceux d’entre vous qui sont rebutés par une narration plutôt étalée dans le temps, où le scénario prend son temps pour arriver à une conclusion épique haute en couleurs, il y a de bonnes chances que la créativité globale de cette production soit une bonne compensation, en particulier au niveau de sa ménagerie de mechas qui propose au moins une nouvelle machine par épisode en moyenne, comme dans toute bonne série de « super robots » qui se respecte.
Aucun mechaphile ne saurait rater ça !
(1) mais on peut aussi évoquer certaines déclarations récentes du réalisateur qui en 2009, lors d’une conférence de développeurs de la CESA, n’a pas caché sa désaffection pour le jeu vidéo – média qui selon lui ne sert qu’à faire perdre leur temps aux gens : il réitéra ces propos lors d’une interview accordée à Anime News network. ↩
Notes :
Une adaptation en manga, sous le même titre, se trouva un temps disponible en France chez Asuka avant de passer chez Kaze Manga.
Dans l’épisode 15, Gainer est bousculé par un homme alors qu’il se trouve à une gare mais l’animateur a omis d’inclure le cellulo du personnage qui le pousse, donnant ainsi l’impression que Gainer est tiré par une main invisible.
L’Overman King Gainer apparaît dans le jeu vidéo Another Century’s Episode 3: The Final (From Software ; 2007) pour la PlayStation 2 et dans Another Century’s Episode: R (même développeur ; 2010) pour la Playstation 3. Il fit ses débuts dans la série des Super Robot Wars (1991-aujourd’hui) dans Super Robot Wars Z (2008) et apparut aussi dans Super Robot Wars K (2009) pour la Nintendo DS.
Overman King Gainer, Yoshiyuki Tomino, 2002
Kaze, 2006
26 épisodes, env. 15 € l’intégrale en Édition limitée 6 DVD
Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka