VDV#38: en vacances, abandonnez votre caviste, mais pas celui des autres!

Par Olif

À l'occasion de cette 38ème session des Vendredis du vin, Patrick Böttcher, monomaniaquement Alsace, plus exactement monomaniaquement vin et alcool de toutes origines, tant il est capable d'ingurgiter des quantités de boissons fermentées, y compris de la bière Cantillon et du schnaps suisse allemand, milite pour la SPC, Société Protectrice des Cavistes, ces bipèdes empêtrés dans un tablier à grandes poches qui passent leur temps à monter et descendre les escaliers en colimaçon de la cave pour remonter des bouteilles à la surface, une chance qu'elles ne soient pas tire-bouchonnées dans le même temps. 

Mais d'abord, qu'est-ce qu'un caviste, précisément?

A.− [Dans un restaurant, un hôtel, une auberge]1. Employé chargé de l'approvisionnement de la cave en vins.2. Employé chargé de pourvoir à la boisson des hôtes. Synon. sommelier :Une fille très jolie, accorte et fine, Line, dirigeait admirablement ce relais galant et tenait lieu de dépensière, d'économe, de caviste et de cuisinière.
Fargue, Le Piéton de Paris, 1939, p. 145.
B.− VITIC. Ouvrier chargé du soin de la fabrication des vins. Les celliers aux longs toits clôturaient les cours vastes où les cavistes en tabliers blancs roulaient des tonneaux (Hamp, Vin de Champagne, 1909, p. 177).Prononc. : [kavist]. Étymol. et Hist. Av. 1790 (Année litt. d'apr. Boiste 1808). Dér. du rad. de cave3* « lieu où l'on conserve provisions et vin »; suff. -iste*. Fréq. abs. littér. : 10.Cette définition, pour étoffée qu'elle soit, n'est néanmoins pas exhaustive. Le caviste qui nous préoccupe ici est plutôt un indépendant. Dans des temps immémoriaux, on l'appelait parfois "marchand de vins", lorsqu'il sillonnait la campagne profonde dans son petit camion en déposant par-ci par-là ses vieilles caisses en bois de litrons de rouge. Il n'était pas souvent de sexe féminin, accorte et fin. Il s'appelait quelque fois Marcel plutôt que Line, s'habillait comme son nom l'indique, sous son tablier, et certains étaient même moustachus. Désormais, le caviste tient une échoppe qui a généralement pignon sur rue et tente d'abreuver la population locale autrement, en bouteille de 75cl, voire en BIB de 5 ou 10 litres. Il est également là pour prodiguer une activité de conseil, idéalement judicieuse et avisée. Il est le chaînon, pour l'instant non manquant, entre le vigneron et le buveur, qu'il soit franc, bicéphale ou trilingue. Mais si on le délaisse trop souvent, il pourrait finir par disparaitre, ce qui serait évidemment préjudiciable, à lui ainsi qu'à ses clients par la même occasion, et il existe de tristes exemples récents. Abandonner son caviste habituel l'été, c'est grave et cruel, mais moins quand même que de ne boire plus que de l'eau ou du mélange de différents vins issus de la Communauté Européenne. Partir un peu, ce n'est pas mourir beaucoup et c'est même parfois un mal nécessaire. Sans aller jusqu'à confier ce petit être à une pension pour cavistes nécessiteux lors de son départ en congés, on se consolera en se disant qu'il fera probablement le bonheur de touristes assoiffés venus en masse en vacances chez nous pendant qu'on est partis batifoler chez eux. Pour lutter contre les grosses chaleurs estivales, le vacancier a forcément besoin de se vinidrater, entre deux randonnées, deux visites de musée ou deux parties de pétanque et il faut alors lui souhaiter qu'il y ait toujours un caviste près de son lieu de villégiature.  Le choix est large, dans toute la France, et même un peu plus loin.

Par exemple, pas un seul campeur d'Ermont-plage n'envisagerait de partir du 9-5 sans goûter aux Cépages d'Ermont. S'enliser dans le Marais poitevin, oui, mais à condition de cueillir au moins une fois Le Fruit Défendu. S'aventurer jusqu'au Bout du monde sans pousser la porte de la Cave de la Presqu'île serait pure hérésie. Se perdre dans la haute vallée de l'Orb sans s'asseoir à la table de la cave/bar-à-vins Chai Christine Cannac ferait désordre. Visiter la Capitale des Ducs de Bourgogne sans se laisser porter O Gré du vin serait susceptible de faire monter la moutarde au nez. S'égarer dans le Jura sans jardiner chez Saint-Vincent ou goûter à l'Essencia des choses paraîtrait incongru. Se goinfrer de jésus à Morteau sans s'humecter le palais chez Terra Vinéa risquerait d'être étouffe-chrétien. Personne ne quitterait Bû sans avoir bu chez Baraou. Faire la Grasse matinée sans rendre visite à l'Espace Vins du Spar face à la gare, quel désespoir! Et il y en a tellement d'autres, dans chaque recoin de la France, même non viticole, qu'il serait illusoire de vouloir tous les répertorier et les citer dans ce seul billet. Ou alors il faudrait faire un guide. Chiche?

Finalement, le pire, c'est quand le caviste abandonne ses propres clients, coincés pour cause de boulot, et part lui-même en vacances! La vie est moche, parfois...

Et, don't forget, si toi aussi tu l'abandonnes...

Même pas peur!

Olif