« Je veux être tranquille, comme je le suis maintenant, faire mon travail, et les autres batailler. » Cette confidence de Nicolas Sarkozy rapportée par le Canard Enchaîné (27 juillet) et Le Parisien-Aujourd'hui en France (23 juillet) paraît bien symbolique de la part d'un président qui fait très attention, depuis 18 mois déjà, à éviter de parler du chômage. Car ce président, qui est candidat, a bel et bien choisi de laisser le sujet à d'autres.
Stratégie d'évitement
L'ex-candidat du Travailler Plus se refuse à organiser des tables rondes sur le sujet. Tout au plus l'évoque-t-il au détour d'une phrase, ou bien sous un angle particulièrement ciblé (comme l'emploi des médecins en zone rurale, ou l'emploi agricole). Mais du chômage de masse, rien, jamais.
Mardi, il visitait le le chantier du centre aquatique de l'Archipel du Cap d'Agde, puis parlait ainsi tourisme, nous lançant d'impérieuses maximes comme « la bataille du tourisme se gagnera sur la qualité ». Jeudi, il s'attardait dans un vignoble, à Châteauneuf-du-Pape. Il voulait évoquer, a-t-il expliqué, « les perspectives d'avenir de la viticulture, à la croisée l'identité culturelle du pays».
Qu'avons nous retenu ? Qu'il maintiendrait la réduction de TVA pour la restauration (2,5 à 3,0 milliards d'euros de coût budgétaire par an), alors que la veille, il écrivait aux parlementaires pour que « la France, tout le monde le comprendra, doit être exemplaire dans la remise en ordre de ses comptes publics et de son économie.»
Jeudi, il en rajoute une couche : « ce qu'on doit supprimer, c'est les niches fiscales inutiles. (…) les niches au service de l'emploi, celles-là je n'ai pas du tout l'intention de les supprimer ». Il pensait … à l'exonération de charges pour les travailleurs saisonniers agricoles, soit 700 millions d'euros de coût par an pour le budget de l'Etat : «notre déficit de compétitivité tient à notre modèle social. » Pour le reste, il veut surtout limiter l'ouverture de vignes car, « si on laisse planter la vigne partout où cela est possible, on va laisser exploser l'offre, sans que la demande suive. Il y aura donc une baisse massive des prix et à terme la disparition de la viticulture.»
On a même compris qu'il était presque officiellement candidat. Incroyable !
«Vous en entendrez des gens qui vous diront des choses, vous en entendrez des gens qui vous promettront des choses, leur caractéristique, c'est qu'on ne les revoit pas. Ça permet de dire une fois quelque chose et puis après de partir. Moi j'ai l'intention de revenir.»
Douche estivale
A fin juin 2011, le nombre officiel de sans emploi a bondi de 1,3% en juin par rapport à mai, (soit 33 600 personnes supplémentaires) et 4% sur 12 mois glissants. Le nombre total de chômeurs enregistrés à Pôle Emploi a augmenté de de 0,6%, pour atteindre 4 368 200 personnes en France sur les trois principales catégories. Un chiffre que Marianne réhausse à 4,7 millions en ajoutant les 589.000 dispensés de recherche d'emploi (qui ont tout de même progressé de 1,6% sur un mois).
Heureusement que Nicolas Sarkozy n'avait pas choisi de visiter, cette semaine, des ouvriers casqués. L'emploi industriel est toujours particulièrement touché.
Sarkozy laisse donc les autres « batailler ». En l'occurence, son ministre du Travail. Xavier Bertrand a donc tenté de positiver par un joli mensonge, ce jeudi 27 juillet sur Europe1 : « Nous avons eu quatre mois de baisse et là nous avons eu deux mois de hausse ont effacé les premiers mois ».
C'est faux. Le chômage n'a pas cessé de progressé, tandis que le gouvernement ne cessait de communiquer sur une seule et maigre catégorie, la première (« A ») qui ne regroupe que les demandeurs inscrits sans aucune activité. Bertrand a tenté l'optimisme : « je maintiens l'objectif que j'ai fixé de repasser en dessous des 9% à la fin de l'année ». Mais il a concédé que les prévisions de croissance économique se sont gravement détériorées : ont-elles un jour été bonnes ? La croissance, a-t-il expliqué, « est en train de baisser considérablement ». Et comme il fallait bien dire qu'il faisait quelque chose alors que le journaliste insistait... et bien le ministre a trouvé la parade habituelle : « Cet après-midi nous avons une réunion sur l'emploi. Il est important de veiller à ce que tout soit mis en oeuvre sur le terrain ». Le chômage monte-t-il ? Et hop ! Une réunion !
Toutes les catégories sont concernées par la hausse du chômage. Comme le rappelle notre confrère Slovar, les seniors, hommes et femmes, sont particulièrement touchés. Sur un an, leur nombre inscrit au chômage a augmenté de … 14% !
« les seniors sans travail de catégorie A sont de plus en plus nombreux. Les plus de 50 ans étaient 544 300 en juin 2011, soit une progression de 2% en un mois et de 13% en un an. Si l'on réunit les trois catégories A, B et C, le nombre de chômeurs seniors s'élève à 797 800, soit un accroissement mensuel de 1,5% et annuel de 14,3%. »Pour le candidat Sarkozy, cette hausse continue et régulière est une sacrée mauvaise nouvelle. Il espère que la tendance se retournera avant l'élection de l'an prochain. A défaut, il mise sur une comparaison internationale qu'il juge flatteuse. Pourtant, comme le rappelait notre confrère Nicolas, notre taux de chômage est plus élevé qu'aux Etats-Unis de Barack Obama, à qui Nicolas Sarkozy a demandé, samedi dernier, de tout faire pour éviter le défaut de paiement le 2 août prochain. Pire, à en croire un récent graphique publié par le Figaro, seuls les pays européens plus mal en point que nous sont l'Espagne (21%), la Grèce (15%), le Portugal (12%), l'Irlande (14%), la Slovaquie (13%), et la Bulgarie (11%).
Alors, cher ami sarkozyste, heureux d'être en si bonne compagnie ?
Jeudi soir, Sarkozy était reparti en weekend.