Eh ! oui, les vacances permettent d'aller baguenauder sur des territoires peu fréquentés, et de faire des rencontres historiques et géographiques parfois surprenantes.
Dans le cas présent :
- - ça parle de la guerre de 1870, mal connue en France, où on se limite en général aux opérations du nord-est, rarement à l'armée de la Loire et celle de l'Est...
- - ça parle de la première armée bretonne, ou première armée de Bretagne, la seule de l'histoire : à noter d'ailleurs qu'elle a existé non pas pour s'élever contre le colonisateur français (vous lisez trop les Chouans de Balzac, chers amis), mais au contraire pour aller sauver Paris du Prusco; bref,une armée tout à fait patriotique !
- - je ne discuterai pas de savoir si la Loire inférieure (euh.. atlantique?) est bretonne ou pas, puisqu'à l'évidence elle ne l'est pas. M'enfin, certains le soutiennent. Donc, il est assez amusant de voir qu'un cinquième des membres de cette première armée de Bretagne venaient de Toulouse, et si la Loire inférieure est estimée bretonne pour des motifs futiles, allons y gaiement et admettons la Haute Garonne au rang des pays celtes de l'ouest français. Et vérifions si les Bretons ont le sens de l'humour.
- - Tout à fait accessoirement, Conlie est le lieu de l'invention de la carte postale, ce qui lui donne au moins une raison d'entrer dans l'histoire, la grande.
Bref, autant de raisons de lire cet article, qui est plus sérieux que son introduction, et si l'un parmi vous cherchait un sujet de thèse d'histoire, voici qu'il a trouvé.
Mille mercis à Denis Marion de Procé pour son texte et ses talents de conteur qui m'ont fait connaître Conlie.
O. Kempf
Le camp de Conlie a été imaginé par Emile de Keratry avec l'aval de Gambetta.
Rappell historique : en Septembre 1870, l'armée Française est prisonnière a Sedan et enfermée dans Metz,le second Empire se termine, la 3eme république est proclamée a Paris.
Emile, conte de Keratry est député, c'est un opportuniste, (catégorie politique del'époque, depuis disparue) mais il fut auparavant Bonapartiste, Royaliste, Républicain et Socialiste, quand le vent était dans ce sens ! Il utilisera son nom d'origine Bretonne pour lever dans des moments troubles une force armée, non pas dans le but de défendre le grand Ouest et par la même la Bretagne, mais beaucoup plus pour venir en aide aux "empochés !" de Paris, avec le soutien de Leon Gambetta.
Pour la petite histoire, Gambetta était surnommé "le Dictateur" par un bon nombre de républicains qui trouvaient ses actions plutôt casse-cou, lui qui était planqué d'abord à Tours puis ensuite à Bordeaux,(dixit Georges Sand).
Quant à Emile de Keratry, lui avait aussi un parcours des plus surprenant. Jeune sous-lieutenant il avait participé (de loin) à la guerre contre les Russes et aà l'invasion du Mexique, où il avait commis des détournement d'argent, fuit son régiment et envoyé sa démission de l'armée au moment de rembarquer pour la France. Comme il n'était pas a un paradoxe près, il avait relevé son titre et sa particule que son père avait reniés au moment de la révolution. Emile de Keratry était le cadet de la famille et c'est donc son frère aîné qui pouvait relever le nom et le titre, ce qu'il n'a jamais fait. Les derniers Keratry et non pas de Keratry, vivent aujourd'hui au Mexique et aux États Unis.
Mais revenons ànos moutons...! C'est à la fin de l'été 1870 que Keratry remarqua au nord du Mans ce territoire sur la commune de Conlie, le long de la voie de chemin de fer reliant la Bretagne a Paris. En accord avec Gambetta il réquisitionna au nom de la 3ème république 500 hectares (qui ne furent jamais réglés aux propriétaires). Très rapidement, 1.500 terassiers furent réquisitionnés afin d'aplanir et de permettre rapidement l'installation de baraquements pour une troupe de 50.000 hommes. L'ordre fut donné au même moment de créer la 1ère armée de Bretagne soit le 22 octobre 1870.
A ce moment là, trois facteusr interviennent pour mettre des "bâtons" dans le bon déroulement de la création du camp.
- Si l'été 1870 fut caniculaire, l'automne fut excessivement humide et la terre argileuse de Conlie rendue terriblement boueuse
- Pour arranger le tout les terrains furent labourés, avec l'arrivée de la pluie les chemins devinrent impraticables, empêchant l'acheminement des convois chargés de bois pour la construction des baraquements.
- Après la pluie arriva le froid (polaire !)
Jamais il ne fut question de reporter l'arrivée des hommes ou de diminuer le nombre de soldast en les faisant cantonner dans des endroits plus salubres et dans des endroits plus adaptés ! Les trains àraison de 10 par jours avec une pointe à18 décharèerent leur lot quotidien d'hommes. Un autre problème de taille doit être ajouté à la longue liste des problèmes rencontrés à Conlie. En effet, Keratrie par la grâce du "tribun !"( Gambetta) fut promu général à la grande colère de ce qui restait de l'armée de Loire, qui entourait Gambetta. Il est vrai que passer de sous-lieutenant démissionnaire à général n'est pas chose courante...! L'armée traina les pieds pour armer cette troupe de Kératry, qu'elle considérait comme un corps franc. Ensuite Charrette, le neveu du général Vendéen, créa une légion de volontaires de l'ouest : autant dire que l'armée, habituée à une structure régulière, ne s'y retrouvait pas dans cette foire d'empoigne ou tout le monde voulait tirer la couverture a soi et où les armées de l'ouest et de Bretagne surgissaient comme champignon après la pluie.
Très rapidement le général de Keratry fut dépassé par les événements. De plus ses relations avec le gouvernement réfugié à Tours commençèrent à tourner vinaigre. Gambetta n'avait plus la même confiance en son général, d'autant plus que sa garde rapprochées n'aimait pas Keratry : celui-ci joua gros en remettant son commandement en jeu, persuadé que Gambetta refuserait sa démission. Manque de chance celui ci l'accepta, ravi de se débarrasser d'un empêcheur de tourner en rond...!
Créé le 22 octobre, le camp de Conlie perdit son autonomie le 20 novembre. De facto 1/5 ème de la troupe stationnée à Conlie rejoignit l'armée de la Loire commandée par un vrai officier, le general Chanzy, qui n'avait qu'une piètre opinion de l'armée de Bretagne. Mal équipée, mal armée, mal commandée,il envoyat 10.000 hommes sous les ordres du général Gougeaud à Auvours.
Ceux ci participèrent à la marche vers St Calais, Dunze, Vendôme, mais les Prussiens mieux équipés et avec un moral supérieur aux Français vont obliger ceux ci à reculer vers Chateaudun. Les hommes sont épuisés, ce sont marches forcées sur marches forcées, l'hiver est glacial, on marche sans interruptions jusqu'à 2-3 heure du matin. Du fait d'un temps polaire et du trafic intense les routes s'effondrent, les roulottes n'arrivent plus à suivre et laisssent la place aux train d'artillerie et aux caissons de munitions.
Le 17 décembre à trois heure du matin les débris de la 2ème armée de la Loire où se trouvent les 3/4 des 10.000 hommes de ce qui reste de la 1ere armée de Bretagne s'arrêtent dans le village de Drouet à 09 heure du matin. Ll'ordre est donné de reprendre la route vers Le Mans, mais à la sortie du bourg un tir nourri oblige l'arrière garde à protéger le reste de la 2eme armée. Ce fait d'armes remarquable et oublié de tout le monde laissa sur le carreau un aumônier, 4 officiers, 3 sous officiers et 18 soldats, tous venant de... Conlie ! Cela permettra à cette troupe de pouvoir retrouver le reste de l'armée du gal Gougeaud à Champagne.
Depuis le 22 octobre Keratry a démissionné, il a écrit à nouveau à Gambetta fin décembre, afin que lui soit officiellement retiré son grade de général de division. Puis il écritune nouvelle lettre pour lui redemander son poste, et s'engage même à trouver 60.000 hommes, marins pour la plupart, âgés de 25 à 45 ans et prêts, selon Keratry, à se faire tuer pour la république...! Heureusement, le tribun ne lui répondit pas !
A Conlie, pendant ce temps-là "l'ordre existe, on meurt silencieusement...!". Le général Marivaut est nommé commandant du camp le 07 décembre 1870, il y arrive le 10, et est tout de suite atterré par ce qu'il voit. Il écrit à Gambetta le 22 décembre : ," j'ai trouvé 46.000 hommes désarmés, mal vêtus, non chaussés, sans campement (les baraquements promis n'ont jamais été montés et la troupe pour plus de 90% couche sous des tentes, ils ont comme matelas de la vieille paille) et sans solde,paralysés dans un marais où toute leur énergie consiste à se tenir debout et à se tenir secs...!"
Le camp de Conlie, je le rappelle, n'a aucune valeur stratégique : beaucoup de routes le contournent et un simple cordon de cavalerie suffirait à l'affamer. Marivault écrit à Gambetta: "Monsieur le ministre, "HALTE !"arrêtez d'envoyer des troupes, au contraire il faut de toute urgence évacuer le camp, la moitié de ses hommes à peine est armée de fusils de onze modèles différents, ils n'ont aucune pratique de la guerre, et face à une brigade ce corps d'armée n'a aucune chance !"
Pourtant un autre général, le général Le Bouedec, dans un délire incompréhensible réclamait encore et toujours des troupes aux préfets, alors qu'il n'avait pas plus que pour le reste de la troupe de quoi, vêtir, nourrir, héberger et armer cette troupe de plus en plus nombreuse...! Un officier aide de camp du general Marivault, expliquera plus tard dans un rapport lu à la chambre, qu'après la pluie et la brume avaient succédé la glace, la neige, le verglas et ensuite le dégel. Les eaux ruisselaient et ne pouvaient plus être absorbées par un sol argileux, tandis que les pieds de 50.000 hommes formaient un vrai cloaque
Marivault pris la décision qu'il fallait
- 1) Arrêter l'arrivée des troupes
- 2) Faire sortir les Breton du camp
- 3) Renvoyert dans leurs foyer plus de la moitié du contingent.
Pour ce dernier point, le général Loverdo, qui n'appréciait pas cette armée créée de bric et de broc par un officier d'opérette ( Emile de Keratry), répondit avec l'accord de Gambetta, "il ne peut être question de renvoyer des hommes dans leurs foyer; l'effet produit serait très mauvais !" Et un peu plus loin "ne peut ont pas leurs confier des missions...suicides!" ( Je dis Dieu reconnaîtra les siens !)
Le 13 décembre (3 jours après la prise de commandement à Conlie du Gal Marivault) celui ci redemanda à Gambetta de lui donner l'ordre d'évacuation du camp : "il y a péril physique et moral à rester plus longtemps à Conlie"; la réponse fut : NON ! Freycinet, ministre de la guerre, qui comprenait le désarroi du général Marivault, mais qui ne pouvait se passer de l'ordre de Gambetta lui telegraphia dans l'apm "Marivault redoute comme moi une attaque sur le Mans". Gambetta persista dans son refus et Marivault, dans une colère indescriptible, décida de ne tenir aucun compte des différents messages d'injonction ministériels et débuta le 18 décembre le mouvement de retraite.
Du 18 au 20 décembre vint et un mille soldat et sept cents officiers quittèrent Conlie direction Rennes, douze mille hommes et 500 officiers furent dirigés vers le Mans, où ils campèrent au sec sur le parvis de la cathédrale et de différentes places aux alentours , un rêve après 2 mois dans la boue ! 10.000 hommes des bataillons du Morbihan et leurs officiers allèrent camper momentanément en forêt de Sillé le Guillaume où ils trouvèrent du bois pour se chauffer, de l'eau et un peu d'abri...! 20.000 restent à Conlie. Marivault poursuivit l'évacuation, de jour en jour, bataillon par bataillon quittent le camp de Conlie. Le 24 décembre, Marivault reçut, par télégraphe, l'ordre exprès d'arrêter l'évacuation du camp, sous peine de conseillde guerre, par le ministère de la guerre: il n'en eut cure ! Chaque jour les hommes des 12 bataillons des Côtes du nord quittèrent Conlie pour Laval, Vitre, Fougère. Le 24 décembre à minuit, les Moribiannais assistèrent, dans la grande prairie qui avoisine l'étang en forêt de Sille le Guillaume, à la messe de Noël !
Les quelques généraux comme Gougeard, Chanzy par la suite et Marivault ne furent pas dupes de l'imbecilité des ordres donnés par le gouvernement, reconnurent la vaillance des mobilisés Bretons et le calvaire qui fut le leur pendant à peine...2 mois ! De plus, après la démission de Keratry, une décision ministérielle, en date du 1er décembre, priva l'armée de Bretagne de tout crédit. Les caisses étaient vides, les subsides coupées ,la solde plus payée ,les fournisseurs plus réglés ,l'armée de Bretagne vivait sur ses propres réserves. L'armée de Bretagne "Agonisait"! qu'importnte ces Bretonss n'étaient-ils pas fait pour de la chair à canon...? Malgré tout et contre toute évidence des soldats arrivèrent jusqu'au 10 janvier 1871...! Le 13 janvier ,le camp fut définitivement abandonné. Le soldat Suzor arrivé le 18 novembre 1870 le quitta dans l'apm ! Les troupes qui quittèrent le camp s'arrêteront à Assé-le-Beranger, puis poursuivirent leur route sur la Bretagne.
Le lendemain un détachement commandé par le colonel de Lehman du 10 ème corps d'armée de la 2eme armée Allemande trouva le camp évacué ,ils capturerent 8.ooo fusils ,5 millions de cartouches, un canon et des affuts.
Aujourd'hui àa la sortie de Conlie, en direction de Sille-le-Guillaume,existe le monument de la Jauneliere, àa l'endroit dénommé la Butte du Camp. Où est inscrit..." 1871 D'AR VRETONED TRUBARDET E KERFANK CONLIE DALC'HOMP SONJ 1971" :
- " aux Breton trahis au village de boue de Conlie. Souvenons-nous"
Dans le cimetière de Conlie on peut voie La Croix des Bretons, avec tous les noms des morts de la 1ere Armée de Bretagne, ainsi que le carré.
Ces chiffres viennent d'un rapport officiel du Ministère de l'intérieur,en date du : 06 février 1871
- Officiers d'état major : 18 et 20 chevaux
- Génie : 20 0fficiers,257 Soldats.
- Comptabilité et trésorie : 11 Officiers.
- Aumôniers : 12.
- Remonte : 5 Officiers,96 Soldats,126 Chevaux et 47 Mulets.
- Vétérinaires : 8 Officiers,9 Soldats,5 Chevaux.
- Ambulances : 44 Officiers,54 Soldats,25 Chevaux.
- Commissariat general : 10 Officiers,134 Soldats.
- Gendarmeries : 2 Officiers,47 Soldats,23 Chevaux.
- 3 ème Cuirs : 6 Officiers,135 Soldats et 129 Chevaux.
- 19 ème Chasseurs : 3 Officiers,291 Soldats.
- Artillerie : 20 Officiers,437 Soldats,33 Chevaux.
- Francs-Tireurs de Brest : 5 Officiers,71 Soldats.
- Cotes du Nord = 244 Officiers,7925 Soldats..
- Finistère = 249 Officiers,7884 Soldats.
- Mobiles de Quimper = 1 Officiers, 141 Soldats.
- Morbihan = 251 Officiers,6804 Soldats.
- Ille et Vilaine = 215 Officiers,11042 Soldats.
- Loire Inférieur = 232 Officiers,7317 Soldats.
Et,
- Mobiles de la Mayenne = Officiers 3,Soldats 161.
- Mobiles de Saint Nazaire = 26 Officiers,687 Soldats.
- Mobiles de Paimboeuf = 32 Officiers,849 Soldats.
- Mobiles de la Trinité = 23 Officiers,635 Soldats.
"ET...!"
- Haute Garonne = 23 Officiers et 1132 Soldats.
- Total des troupes réunis au camp = 40359 Officiers et Soldats.
- Division de marche = 13424 Officiers et Soldats.
Denis Marion de Procé.
NB d'égéa : Bon, d'accord, il n'y a qu'un quarantième de Toulousains et pas un cinquième, ce qui ne fait pas un département : mais vous y avez cru, non ? Par ailleurs, j'ai essayé de trouver quelques références bibliographiques. Les voici :
- Denis me signale celle-ci, assez ancienne, mais dont on trouve des fac_similé car c'est un petit livret : Paul Tailliez,l'histoire du camp de Conlie,Le Mans,Monnoyer, 1913.
- je signale aussi philippe Le MOING-KERRAND, "le camp de Conlie", 2000, édité chez l'auteur.
- on se reportera, pour l'ensemble des guerres du second empire, aux ovurages de l'éditeur spécialisé Bernarg Giovanagelli (bged@wanadoo.fr), et notamment : Henri Ortholan, "l'armée de la Loire".