Il m’est arrivé plus souvent qu’à mon tour de maudire la vie et ses mauvais tours. Non, attendez, je reprends, je n’ai pas fait exprès de faire cette mauvaise rime. Il m’arrive plusieurs fois par jour de maudire la vie et ses mauvais tours.
Car oui, la vie n’a pas hésité à se montrer chienne avec moi. Elle m’a affublé d’un corps qui présente, j’ai l’impression, plus que sa part de défauts, hélas pas complètement compensés par mon esprit acéré comme la plume d’un aigle. Elle a fait de moi un être gras et mou, malgré mon amour du sport en général (hier encore, je regardais la pétanque à la télé, c’est vous dire). Elle m’a donné une chevelure que les incultes, qui peuplent cette triste planète, n’hésitent pas à qualifier de rousse (je ne suis pas roux, bon sang ! Je suis blond vénitien ! Ca n’a rien à voir !). Elle a décidé que non seulement je serais simili-roux, mais qu’en plus j’aurais des pellicules, ce qui est particulièrement dégradant, n’ayons pas peur des mots. Elle m’a donné une démarche de canard ridicule. Elle m’a doté d’une incapacité notoire à sourire avec les dents. Elle m’a recouvert d’une peau qui ne bronze pas mais reste rougeaude, à me faire passer pour un touriste belge. Elle m’a d’ailleurs donné des origines belges.
Et encore, je vous épargne les détails les plus sordides. (non, être belge n'est pas sordide, tout juste légèrement avilissant.)
Mais, malgré cela, je dois vous dire qu’en fin de compte, je ne lui en veux pas. Et ce n’est pas qu’un simple syndrôme de Stockholm, en plus. (fichtre, la vie qui me prend en otage, si ce n’est pas une métaphore digne de Marc Levy, je veux bien qu’on me mange une burne.)
Car, malgré ses petites mesquineries, la vie a une manière de rattraper le coup qui fait qu’on a envie de la prendre dans les bras en lui faisant un petit bisou. Et pourtant, je ne suis pas du tout du genre tactile. Tiens, ça fait encore un truc sur l’ardoise de la vie : j’ai tendance à mettre des coups de latte quand on me touche sans avoir prévenu (et rempli un formulaire d’autorisation en trois exemplaires. Qui sera refusée). Ce doit être une composante de mon célibat persistant. Et tout cela malgré une totale absence d’attouchements zosés par un curé pervers dans mon enfance, qui aurait donné à mon passé une petite touche larmoyante du meilleur effet. C’est désespérant , je vous dis.
Mais je reviens au sujet, je vous sens trépigner d’impatience devant vos écrans. Je m’en excuse. Ce n’est pas ma faute, j’ai une tendance à dévier du sujet, mais c’est encore un coup de la vie. Elle est partout, cette garce, hein ?
Alors voilà, le truc qui me réconcilie chaque jour avec la vie, le truc qui me remplit d’émerveillement et de reconnaissance béate à chaque fois que je le réalise : j’ai beau transpirer comme un cochon (à la limite, suinter de la transpiration collante par tous les pores serait plus proches de la réalité) (hé, j’habite les tropiques, hein), cela, miraculeusement, ne m’empêche pas d’avoir une odeur axillaire tout à fait supportable.
Vous avez bien lu : je ne pue pas des aisselles, même après une journée à suer comme une bête sous le poids insupportable d’un t-shirt en coton.
C’est merveilleux, je vous assure. Il me suffit, lorsque je me sens le moral dans les chaussettes, de me mettre le nez sous le bras et d’inspirer un grand coup, et la bonne humeur me revient, un large sourire (sans les dents) se dessine sur mon visage rougeaud, et je retourne joyeusement troller sur le net, le cœur content.