Un pèlerinage à Shikoku...
Comme pour Les bébés de la consigne automatique, je vous déconseille la lecture de la quatrième de couverture. Elle révèle quand même des événements qui se déroulent à la page 450... Ce n'est pas vraiment nécessaire de dévoiler ainsi certains mystères.
Si vous n'êtes pas familier avec le style de Murakami, je vous conseille en première rencontre de débuter plutôt par un ouvrage moins épais, comme Le passage de la nuit. Si vous êtes gros lecteur ou amateur de littérature contemporaine, alors l'expérience mérite le détour.
Kafka sur le rivage est un parcours initiatique, une invitation à laisser dernière soi ses doutes et ses préjugés pour se laisser guider par le flot, se laisser porter par la magie des rencontres et l'âme des lieux.
Murakami nous conte en parallèle deux histoires, deux quêtes qui raisonnent et convergent.
D'abord, il y a cet adolescent à l'existence écrasée par le poids d'un secret digne d'une tragédie grecque. Et puis, il y a un vieil homme marqué par une aventure bizarre survenue enfant et qui l'a rendu amnésique et illettré. Tous deux vont, chacun suivant sa route, se rendre à Shikoku, dans une petite ville de campagne, loin de l'agitation tokyoïte.
Une forêt d'arbres et de livres...
Marée basse...
Malgré le nombre de pages conséquent, la narration reste fluide et d'une construction parfaite. L'écriture ne connaît aucun temps mort, aucune faiblesse. J'aime le style de Murakami, dans la retenue et la pudeur.Pourtant, une fois les personnages établis et l'histoire mise en place, l'émotion croit, se déploie pour tout envahir.
Ce livre donne envie de lire, envie de lire dans une bibliothèque, envie de fouler le sous-bois d'une forêt profonde, envie de partir à Shikoku, parcourir la campagne et se retrouver.
Murakami nous raconte un lieu, sa magie sauvage et nécessaire. Il parle de ses refuges si importants et si purs qu'on a besoin d'y retourner ponctuellement mais où il nous est impossible de vivre.
Nous ne sommes qu'humain...
Et puis, la notion du "temps propice", et de l'attente est aussi au coeur de se roman où les rencontres se produisent toujours au bon moment, quand le personnage est prêt à recevoir les bénéfices d'une providence tantôt taquine tantôt clémente.
Un autre élément que j'ai énormément apprécié est la transformation par la découverte de la musique classique. Un personnage médiocre prend conscience de sa condition, se remet en cause et décide de se changer. Il ne s'agit pas du coeur du roman mais cet aspect m'a beaucoup touché.
L'âme allégée
Kafka sur le rivage est un livre heureux. Cependant, il n'est pas facile. Le héros, un adolescent prisonnier de la folie de son père brise ses chaînes, casse la dynamiques d'un cercle vicieux en enfreignant des tabous. Le voyage ne s'effectue pas sans douleur et l'amour n'est pas un miracle à l'eau de rose.
Mais on peut se défaire des charges que les autres nous imposent. Il est possible avec de l'obstination et de la patience d'aller jusqu'au bout, d'achever sa quête, d'être libéré !
Une oeuvre résolument positive, parfois dérangeante, mais sans aucune vulgarité ou complaisance. Elle me donne envie de continuer à lire cet auteur, qui me surprend toujours par son univers complexe, sa vision onirique et son intelligence.Copyright : Marianne Ciaudo