27 juillet 2011
(No 2011-28)
Antonio Figueroa (Tamino ) et Agnieszka Slawinska (Pamina)
Comme le révèlent les données les plus récentes compilées sur le site operabase.com, l’opéra Die Zauberflöte de Wolfgang Amadeus Mozart s’avère l’opéra le plus souvent joué sur les scènes lyriques du monde. Proposer une relecture de ce chef d’œuvre incontesté de l’enfant prodige de Salzbourg est donc un pari audacieux qu’a su relever le metteur en scène britannique Peter Brook, avec le soutien de l’artiste de théâtre Marie-Hélène Estienne et du musicien Franck Krawczy. Comme les opéraphiles de Paris qui ont pu voir cette production créée au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris à l’automne 2010 ainsi que les lyricomanes de 18 autres théâtres et festivals lyriques depuis le début de l’année 2011 (et il y en aura 8 autres d’ici la fin de l’année comme on l’apprend sur le site de France Culture), le public de la capitale nationale a apprécié à la fois le dépouillement de mise en scène et la qualité de l’interprétation vocale par l’équipe de jeunes interprètes lyriques réunie sur la scène de la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec. Un tel dépouillement, qui contraste avec la production de La Flûte enchantée qu’avait pu apprécier le public de l’Opéra de Québec durant la saison 1999-2000 où les enfants de la capitale avaient d’ailleurs été mis à contribution pour dessiner les costumes, permet en outre de porter davantage attention à la magnifique partition de l’opéra de Mozart et aux voix qui sont mises à son service.
Patrick Bolleire (Sarastro)
La mosaïque des styles musicaux auxquels fait appel Mozart, allant des chansons strophiques, aux aria et hymnes choraux, est bien servie par les membres de distribution. Incarnant le grand prêtre et symbole de l’Humanité Sarastro, la basse française Patrick Bolleire offre une performance vocale d’exception. Ces graves sont d’une profondeur impressionnante et ses phrasés expriment tantôt fort bien la tendresse à l’endroit de la Pamino qu’il prend sous son aile protectrice et la complicité avec Pamino. Après son Belmonte du Die Entfürung aus dem Serail et son Ferrando de Cosi fan tutte, le Tamino d’Antonio Figueroa révèle le statut de ténor mozartien qu’acquiert le chanteur québécois et dont il fait une éloquente démonstration tout au long des 90 minutes que dure l’Eine Zauberflöte de Peter Brook. Le timbre est beau, la voix est bien placée et les nuances d’expression communiquent les espoirs et déceptions qui animent le personnage central de l’opéra de Mozart. La prestation vocale d’Agnieszka Slawinska, qui incarne cette Pamina miraculeusement belle dont Tamino tombe amoureux, est également à la hauteur et, dans ce rôle exigeant au plan théâtral, la soprano polonaise démontre une grande musicalité. La soprano colorature Leïla Benhamza réussit le célèbre air Der Hölle Rache kocht in meinem Herzenla et donne à sa Reine de la nuit le profil ténébreux que requiert le rôle.
Le rôle de Papageno est bien servi à par le baryton, et fort bon acteur, Virgile Frannais qui rend son personnage attachant et dont la Papagena, incarnée par la soprano Betsabée Hass, comble son bonheur. Le Monostatos du ténor Jean-Christophe Born m’a paru nettement moins convaincant, tant que sur le plan vocal qu’au plan théâtral, bien que l’on puisse penser que la réinvention du personnage du serviteur maure par Peter Brook prive le protoganiste de sa crédibilité.
La réussite de cette production repose par ailleurs sur le pianiste Franck Krawczy dont le tour de force consiste à faire de l’accompagnement musical – reposant d’ailleurs sur une transcription complexe- un véritable dialogue avec l’ensemble des interprètes. Partageant la scène avec les artistes lyriques, il exerce un leadership auprès de cette troupe qui, de toute évidence, lui manifeste une grande confiance.
Franck Krawczyk
S’il n’était pas inapproprié de donner une saveur locale à la production offerte au nouveau public du Festival d’opéra de Québec, on peut s’interroger sur le choix d’emprunter à cette fin l’un de ses blasphèmes les plus populaires au lexique de la langue française parlée au Québec. On peut aussi se demander si la vulgarité de certains gestes contribue vraiment à faire apprécier une œuvre qui, tout en étant une divertissement populaire, demeure un opéra d’un grand raffinement.
En choisissant de présenter cette production pour inaugurer le premier Festival d’opéra de Québec, son directeur général et artistique a également manifesté une audace certaine. Celle-ci a été récompensée par deux premières représentations à guichets fermés et qui devraient amener les mélomanes de la capitale nationale et du Québec tout entier à s’accaparer des derniers billets, s’il en reste, pour les deux dernières représentations prévues pour les jeudi et vendredi 28 et 29 juillet!
Le critique du journal Le Soleil a publié sa critique de cette première production du Festival d’oéra de Québec 2011 hier sous le titre « Une flûte enchantée : un conte réinventé », alors que celle de Christophe Huss publiée dans journal Le Devoir ce matin s’intitule « Une (autre) flûte enchantée ».
Amours, délices et orgue par les frères Robert-Patrick et Claude Girard
Robert-Patrick et Claude Girard
Un avant-goût d’Une flûte enchantée avait par ailleurs été offert lors du concert Amours, délices et orgue donné par les frères Robert-Patrick Girard et Claude Girard. Ainsi, parmi les adaptations d’airs d’opéra pour orgue à quatre mains, résultant non seulement de leurs transcriptions mais également d’une « création » de leur part, l’on comptait plusieurs arias du Die Zauberflöte de Wolfgang Amadeus Mozart. L’adaptation de l’Air de la Reine de la nuit (Der Hölle rache kocht in meinem Herzen) fut particulièrement réussie et l’utilisation du célesta par Robert-Patrick Girard dans l’aria Dass klinget so herrlich, das klinget so schön a ajouté une touche d’émerveillement dans la première partie du programme. Après avoir joué le célébrissime air Voi che sapete de l’opéra Le nozze de Figaro, les frères organistes ont complété leur programme en interprétant leur adaptation de la Fantaisie sur des airs de Carmen de Georges Bizet. Les mélomanes ont, de toute évidence, reconnu et apprécié la virtuosité des deux musiciens qui s’est d’ailleurs traduite dans une finale aussi créative que spectaculaire. J’ai pu échanger avec l’un et l’autres des interprètes après le concert et ceux-ci s’enorgueillissent de pouvoir participer au premier festival. Robert-Patrick Girard m’a d’ailleurs confié qu’il avait pris l’initiative de proposer cette idée originale de concert au directeur général et artistique Grégoire Legendre et que celui-ci avait accepté le projet avec empressement et enthousiasme. S’il existe des pièces, et notamment des œuvres et transcriptions pour orgue à quatre mains, et notamment une très belle Suite pour orgue à quatre mains du compositeur québécois Denis Bédard, les frères Girard sont en quelques sorte pionniers des transcriptions d’airs d’opéra pour quatre mains et ont d’ailleurs enregistré l’Ouverture de La Flûte enchantée sur un disque intitulé Mozart…permettez-nous.
Les deux organistes présenteront à nouveau leur programme à la magnifique Chapelle du Musée de l’Amérique française cet après-midi le mercredi 27 juillet et demain le jeudi 28 juillet à 16 h dont le contenu détaillé est reproduit ci-après :
Wolfgang Amadeus MOZART
La Flûte enchantée
• Ouverture
• Aria no 2 : « Der Vogelfänger bin ich ja »
• Aria no 20 : « Dass klinget so herrlich, das klinget so schön » (version no 1)
• Aria no 17 : « Ach, ich fühls, es ist verschwunden »
• Aria no 14 : « Der Hölle rache kocht in meinem Herzen »
• Aria no 20 : « Dass klinget so herrlich, das klinget so schön » (version no 2)
Les Noces de Figaro
• « Voi che sapete »
Georges BIZET
Fantaisie sur des airs de Carmen
• Ouverture
• Chœur des gamins : « La garde montante… »
• Habanera : « L’amour est un oiseau rebelle »
• « Ma mère, je la vois ! Je revois mon village »
• Seguedille et duo : « Près des remparts de Séville, chez mon ami Lillas Pastia »
• Air des cartes : « En vain pour éviter les réponses amères… »
• « Votre toast, je peux vous le rendre »
• Toréador
• « La fleur que tu m’avais jetée… »
• Finale : Chanson de Bohême « Les tringles des sistres tintaient… » …tra la la la…
En raison de la pluie, les trois premières prestations de La Brigade lyrique ont dû être annulées hier et je n’ai donc pas été en mesure en mesure d’apprécier encore le talent des brigadiers et brigadières… qui doivent avoir bien hâte d’entreprendre leur tournée des lieux et parcs publics de Québec…ce qui pourrait se produire à 17 h aujourd’hui car il semble que le ciel de la capitale nationale s’éclaircit ! Si tel est le cas, la première performance des membres de la brigade aura lieu à la Place George V (manège miliaire). En compagnie des pianistes Anne-Marie Bernard et Jean-François Mailloux, les artistes de la relève Judith Bouchard (soprano), Priscilla-Ann Tremblay (mezzo-soprano), Keven Geddes (ténor) et Jonathan Bédard (baryton) devraient interpréter les airs suivants : Habanera (Carmen, Bizet), Bella siccome un angelo (Don Pasquale, Donizetti), Parigi o cara (La Traviata, Verdi), Soave sia il vento (Cosi fan tutte, Mozart), Granada, La ci darem la mano (Don Giovanni, Mozart) et le Quatuor (Rigoletto, Verdi).
Si les éclaircies se prolongent et, mieux encore, si le soleil est au rendez-vous demain, la brigade lyrique pourra être entendue au Parc Roland-Beaudin à 12 h et au Parc de la Chute-Montmorency à 17 h.
Je suis de retour vendredi le 29 juillet 2011 avec le troisième article sur le premier Festival d’opéra de Québec.
Bonne suite de Festival !