Delanoë en fait des tonnes, depuis deux semaines, sur l'insuffisance de l'aide de l'Etat à l'hébergement d'urgence à Paris alors qu'en réalité ces crédits n'ont pas diminué mais sont transférés vers la création de logements pérennes. Quant à l'effort municipal autoproclamé, il s'agit surtout de poudre pour les yeux.
Examinons de plus près ce cynique coup médiatique.
D'abord, ce que Delanoë et le DAL se gardent bien de dire, c'est qu'ils ont contesté les nouveaux critères et mode de fonctionnement de l'hébergement d'urgence devant le Tribunal administratif et que celui-ci les a sèchement éconduits.
La solidarité est certes un mot magnifique mais elle doit se concevoir comme toute politique : avec son coût et son efficacité dûment prises en compte. Or, le mode de fonctionnement actuel de l'hébergement d'urgence est un puits sans fond, une mécanique générant toujours plus de demande au fur et à mesure que le nombre de nuitées d'hôtel offertes augmente. Depuis 2005, les nuits d'hôtel financées par l'Etat ont bondi de 51 % . En 2011, ce seul budget devait représenter 62 millions d'euros. Certaines familles restent trois ans dans cet hébergement qui ne devrait être que de circonstances.
Assez logiquement, l'Etat a décidé de remplacer cette cautère par la création de logements pérennes pour les populations structurellement précaires notamment les familles monoparentales. Et, comme ses moyens ne sont pas extensibles à l'infini, y compris pour des démagogues socialistes qui viennent d'ailleurs de capituler devant le principe de l'austérité budgétaire avant même d'avoir lancé leur campagne électorale, il faut faire des choix.
Mais Delanoë, jamais en retard d'une démagogie et décidé à faire oublier sa responsabilité dans la crise du logement à Paris, saute sur l'occasion. Il fustige les nouvelles règles et déclame qu'il va, lui, se substituer à ce gouvernement sans coeur et donner l'argent des Parisiens au Samu social dans les deux mois qui viennent. Un peu comme le tonneau des Danaïdes de l'aide aux clandestins arrivés de Tunisie, si pratique pour faire oublier sa bienveillance vis-à-vis de Ben Ali.
On ne sait pas exactement combien la mairie versera, mais ce sera naturellement une goutte d'eau dans la mer. Certains disent 200 000 euros, d'autres 300 0000. Peu importe, l'effet d'annonce est passé. Et qui se souviendra que ce geste "magnifique" équivaut à peu-près à l'argent donné à SOS-Racisme pour organiser son concert du 14 juillet !
Tout ceci est donc pure hypocrisie et opportunisme politique. D'autres comparaisons de ce soi-disant élan de générosité avec les crédits dilapidés par Paris l'éclaire d'un jour cruel.
On pourrait naturellement évoquer le cadeau fait récemment à Decaux dans la gestion de Vélib', au moins 6 millions d'euros : vingt fois plus que pour ces familles en difficulté. Mais il y a encore plus significatif.
Si Delanoë renonçait par exemple au projet aberrant et scandaleux du nouveau Jean Bouin, bâti pour un Stade Français en perdition alors qu'existe déjà le stade Charléty, la ville de Paris pourrait financer quatre années d'hébergement d'urgence en hôtel dans toute la France ! Surtout, à raison de 100 000 euros par place créée, elle pourrait offrir trois mille hébergements pérennes aux sans-abri parisiens.
Mais le sort des pauvres est moins glamour que les maillots roses des ex-Guazzini's boys. Aussi, pour compenser cette cruelle réalité, un petit coup de gueule médiatique à l'occasion de la démission de Xavier Emmanuelli a la vertu de distraire l'opinion et de redorer le blason écaillé de la pseudo gauche parisienne.
Alors, chiche, à quand l'abandon de ce stade inutile et le transfert de ces crédits vers une solution pour les sans-abris ?