La tortue et le goeland

Publié le 27 juillet 2011 par Abarguillet

  


On sait que les tortues sont lentes de nature.
Qu'à cela ne tienne, disent-elles,
Si les oiseaux vont à tire d'aile,
Il arrive que nous-mêmes fassions fortune autrement.
Il était donc une tortue qui vivait discrètement.
Son voisin de palier n'était autre qu'un flambeur de goéland.
Tout ce qui lui passait sous le bec, il l'avalait d'un coup sec,
Et se souciait comme d'une guigne des lendemains difficiles.

Il arriva qu'une famine tomba inopinément.
Aussitôt notre goéland de se vanter étourdiment
Qu'il irait tenter ailleurs une aventure meilleure.
Dame Tortue s'était tue. Bien lui prit. Voyez comment,
De son pas égal et lent, elle se mit à amasser
Ce qui risquait de lui manquer.
Le goéland, pour sa part, s'usait en mille voyages.
Mais, nenni, de près ou de loin, il n'y avait pas en vue le moindre festin.
Le bougre s'en revint contrit loger auprès de sa voisine,
Espérant que le destin lui permettrait de mettre à mal les économies de la dame.
Mais, supputant ces avanies, sous quelques arpents de gazon,
La tortue avait mis à l'abri les précieux fruits de sa moisson.
Elle avait engrangé tant de biens et mené une vie si rangée,
Qu'apprenez qu'elle vécut plus d'une centaine d'années.
Et le goéland ? Pauvre de lui ! Quand la famine fut finie,
Il banqueta tout à loisir et plus que de raison, semble-t-il.
C'est dans un état alarmant que dame Tortue le surprit.
Le soir, le mal s'aggravant, il se coucha sur le côté pour ne jamais plus s'envoler.
Ainsi fut-il la victime de son ultime goinfrerie.

Pour terminer ce récit, sur une note plus optimiste,
Osons cette conclusion : que ce ne fut pas sans raison,
Mais dans un souci de partage et pour sauver la morale,
Que l'oiseau eut à coeur d'assurer
Le banquet de son semblable.
Si bien qu'un corbeau qui se trouvait là,
En fit, sans plus d'embarras, son menu de gala.

Cette fable fait partie de mon ouvrage pour la jeunesse  : "La ronde des fabliaux"

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