En fait je suis ravi que la nouvelle, qui n'est pas un genre mineur, soit un peu plus souvent à l'honneur aujourd'hui. Je garde la nostalgie des véritables petits bijoux que savait si bien sertir Paul Morand et qui emportait la conviction en quelques pages bien troussées.
Jean-Christophe Rufin vient de faire la démonstration éclatante avec Sept histoires qui
reviennent de loin, publiées chez Gallimard ici, que ce genre n'était décidément pas mort. L'auteur s'y
montre aussi excellent dans cet exercice qu'il le fut quand il écrivit son pavé, Rouge Brésil , Prix Goncourt
2001.
L'écrivain, voyageur et médecin, nous fait vivre à chaque fois un épisode différent et dramatique de la vie d'aujourd'hui qui se déroule dans un lieu du monde. Il s'agit en
effet de sept histoires qui à partir de l'ordinaire font une singularité et se terminent de façon inattendue pour le lecteur qui, du coup, est mis en appétit pour la
nouvelle suivante.
Les histoires que nous content Jean-Christophe Rufin ont pour cadre la chambre d'un hôtel, problablement parisien, une île de l'hémisphère austral - l'île Maurice ? -, un restaurant d'un
village situé dans les Dolomites, le service de garde d'un hôpital de l'Assistance publique, le Lourenço Marques colonial devenu Maputo, Colombo sous l'ombre projetée de la guerre
civile ou un train corail à destination des Ardennes.
Les personnages sont une jeune Kirghize qui a une passion pour le français, des créoles dont l'univers s'écroule, un guide de montagne qui pousse trop loin l'exigence alpine, des fiancés qui
se séparent pendant des décennies sans jamais cesser de s'aimer, un fils de déporté tourmenté par les tragédies actuelles et passées, une belle Malienne qui ne veut pas perdre son
bel Allemand dont les proches veulent l'écarter.
L'ensemble de ces histoires compose une véritable mosaïque, esquisse de représentation de notre monde contemporain. Au dépaysement que nous vaut d'être transportés en des lieux
différents, dans des situations différentes, où se débattent des personnages en définitive hauts en couleur, s'ajoute, pour nous combler, un réel bonheur d'expression.
Francis Richard