Un député UMP vient de déposer une proposition de loi : « visant à instituer un conseil national de déontologie journalistique » Cette proposition n'est-elle pas simplement une vendetta contre certains médias ayant mis à mal des élus et ministres de la majorité présidentielle ?
Depuis bien longtemps, le mois de juillet est traditionnellement celui dont les parlementaires profitent, pour présenter des propositions de lois, difficiles à présenter en temps normal. Exemple, le 13 juillet 2011, le député UMP Jean-François Mancel a fait enregistrer à la Présidence de l’Assemblée nationale une proposition de loi : « visant à instituer un conseil national de déontologie journalistique »
Que dit-elle ?
« Les exemples ne manquent pas pour illustrer les excès auxquels certains journalistes peuvent succomber. Les atteintes au secret de l’instruction, au secret défense, à la dignité et à la vie privée de la personne sont autant d’abus qui ont connu une certaine recrudescence ces dernières années. (...) ces excès sont surtout imputables à la surenchère médiatique, course effrénée à l’audimat et aux tirages, qui conduit parfois à occulter les droits les plus essentiels de la personne et les exigences qualitatives de la profession (...) Ces principes ne sont pas une idée nouvelle et beaucoup sont déjà définis par des chartes nationales et internationales, à l’instar de la Charte de Munich du 24 novembre 1971. Cependant, faute d’un accord, la convention collective nationale de travail des journalistes du 1er mars 1976, qui a force de loi depuis le décret d’extension ministériel du 2 février 1988, ne contient aucun protocole annexé traitant des questions d’éthique ou de déontologie (...) »
Charte de Munich à laquelle se réfèrent notamment les membres du Syndicat de la Presse Indépendante d'information en ligne (SPIIL) dont les membres fondateurs sont : @rret sur images, Indigo Publications, Mediapart, Rue89, Slate, Terra eco et dont certains ont affolé le monde politique, comme Rue89 et surtout Mediapart, qui s'est illustré dans l'affaire dite « Woerth/Bettencourt »
Or, il faut savoir que Jean-François Mancel, avant de devenir son mentor, a engagé dans les années 80 : « un jeune diplômé, fort d’une première expérience chez Arthur Andersen, pour diriger l’Agence de développement de l’Oise : Eric Woerth »
Il fut d'ailleurs un de ses plus fervents défenseurs comme l'atteste un billet publié sur son blog le 11 septembre 2010 : « (...) la dérive de certains médias et journalistes qui se moquent totalement de la vérité et du respect des personnes instaure progressivement une démocratie de la haine. Je viens de le constater en suivant depuis des semaines cet acharnement sordide contre Eric Woerth (...) » et de conclure par : « (...) C’est pourquoi j’ai proposé de créer (...) un véritable code déontologique (...). C’est l’intérêt de la presse car l’autorégulation actuelle n’est plus en phase avec l’évolution des temps (...) »
La vengeance étant un plat qui se mange froid, c'est donc en juillet 2011 que notre député aura déposé sa proposition de loi ! Comment envisage t-il le fonctionnement de son « conseil national de déontologie journalistique » ?
Explications d'Olivier Da Lage (1) : « (...) selon le quatrième alinéa de l’article 2 de cette proposition de loi, le conseil comprend « sept membres représentant la société civile, extérieurs aux métiers du journalisme et de l’édition, ayant répondu à un appel à candidature et sélectionné par un comité dont la composition sera fixée par décret et après avis des commissions parlementaires compétentes ». Vu que les décrets, par définition, sont pris par le gouvernement et que les commissions parlementaires reflètent la majorité du moment, ce n’est pas beaucoup s’avancer que d’affirmer que les « représentants de la société civile » seront, dans la pratique, choisis par le pouvoir (...) Cette volonté de mise sous tutelle est d’autant plus évidente à la lecture de l’alinéa 7 du même article, qui prévoit qu’« est adjoint au comité exécutif du conseil national de déontologie journalistique avec voix consultative un représentant du ministère de la culture et de la communication ». Non seulement un représentant du ministère siégerait dans cet organisme, mais il aurait une voix consultative (...) Si ce n’est pas le retour au ministère de l’Information, cela y ressemble diantrement (...) »
Et même si l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP) relativise les propos d'Olivier Da lage, elle ne manque pas d'écrire : « (...) Le projet du député de droite concrétise sans doute l´énervement de nombre de membres de la majorité qui enragent d´être malmenés par les journaux. En ce sens, et en prévision des élections présidentielles, il est certainement opportuniste (...) » et certainement un peu ... revanchard !
Mais, l'ambition de notre député n'est-elle pas de remettre au goût du jour « l'actualité heureuse » diffusée il y a quelques années par « Jours de France », ce concept créé par Marcel Dassault (qui fut son mentor politique) afin que les français puissent rêver, à nouveau sur des pages de mode, de chronique mondaine, ... et redécouvrir des dessins bien conservateurs de Jacques Faizant ou les « sympathiques » parisiennes de Kiraz au lieu de se repaître de : « la dérive de certains médias et journalistes qui se moquent totalement de la vérité et du respect des personnes » Non mais !
(1) Journaliste à RFI, syndicaliste SNJ, vice-président de la FIJ (Fédération internationale des journalistes) et ancien président de la Commission de la carte d´identité des journalistes professionnels (CCIJP)