Reconnue comme la plus
active et parmi les plus libres du monde arabe, la blogosphère marocaine traverse ces jours-ci des moments de turbulences. Tout a commencé avec l’arrestation d’un jeune ingénieur marocain,
Fouad Mourtada, pour avoir usurpé sur FaceBook le profil du prince Moulay Rachid,
frère cadet du roi Mohammed VI. Le jeune Fouad serait même torturé lors des différents interrogatoires par des
policiers trop zélés. Interprétant cela comme un éventuel danger qui guetterait la Blogoma, quelques blogueurs marocains jettent l'éponge. Parmi eux MoTIC, le meilleur blog IT marocain, animé par un collègue, Mohamed Drissi Bakhkhat, vient de claquer la
porte de la scène blogosphérique marocaine. Il estime en effet que la tournure très dangereuse et très grave que prend l'affaire Fouad Mourtada et les raisons ridicules pour lesquelles il a
été arrêté, lynché, torturé, détenu sans possibilité de libération sous caution, cela ne présage rien de bon pour les blogueurs. Autant on peut comprendre ces craintes, on ne peut être
d'accord avec la fermeture d'un espace d'utilité publique comme MoTIC, que j'ai toujours considéré plus comme un observatoire des NTIC au
Maroc.
Mais au delà de l'arrêt définitif ou temporaire de bogs, c'est bien de libertés qu'il s'agit. Des censures arbitraires de Youtube et de Google Earth aux multiples
restrictions libertaires (des détenus du 1
mai à Ahmed Nasser, 95 ans, qui vient de s'éteindre en prison), les blogueurs
marocains ressentent depuis longtemps le retour insidieux de la répression. Si, comme dit plus haut, la Blogoma est un espace de libertés, c'est aux blogueurs marocains eux-mêmes de préserver,
voire d'élargir cet espace. Nous sommes en 2008, et nous ne pouvons pas nous permettre de revivre l'ambiance malsaine et criminelle des années de plomb.
Sous la présidence de feu Driss Benzekri, l'instance Equité et Réconciliation, créée justement pour réconcilier l'avenir des Marocains avec leur passé, avait clairement à travers ses recommandations exprimé un unique
souhait: plus jamais ça! Ce souhait peut être endossé par la Blogoma car une liberté se
mérite. Dans les limites permises par la loi, les blogueurs, en tant que citoyens responsables, doivent donc veiller à ce que leurs libertés fondamentales et celles de leurs concitoyens) soient
entièrement respectées, sans la moindre concession ni le
moindre recul.
Illustration: Liberté est une calligraphie de Karim Jaafar.