La campagne du SNE et du SLF: à côté de la plaque!

Par Aucoindulivre

Alos voilà, on pourrait penser à priori, quand on regarde la nouvelle campagne du SNE et du SLF pour défendre les librairies physiques, que c’est une bonne initiative. Oui, car personne ne souhaite la mort des libraires, toute personne aimant lire serait anéantie par la disparition de toutes ces étagères de livres, et surtout par la disparition de son libraire préféré qui conseille, écoute, et partage… Ahh, la librairie, quel monde merveilleux.

Passons cette première réaction et creusons d’abord sur la forme de l’affiche : on voit une jeune femme (petite parisienne bobo sur les bords), cheveux attachés, bien sous tous rapports, entourée de livres (grands formats bien sûr) qui tend le bras vers un livre, quand soudain, la main de Dieu (??), non du libraire est tendue vers elle avec un magnifique pavé de 1000 pages tout blanc.  Wow! Ouais en effet ça décoiffe!

C’est à se demander si c’est vraiment une campagne pour défendre les librairies… En tant que jeune, lectrice de livres papiers et numériques, technophile et étudiante en métiers du livre, cette publicité ne me parle pas du tout, voire me donne envie de courir encore plus vite vers le livre numérique. C’est donc ça la librairie d’aujourd’hui? Un lieu froid, avec des livres sans couleurs, un client toutes les 3h et le libraire/Dieu qui vous montre le chemin? Il y a mieux comme campagne de pub “sexy”.

Et puis tiens, passons au fond, parce que là je crois qu’on est au summum de l’hypocrisie : “Des milliers de livres à ma disposition, qui m’aidera à faire le bon choix si mon libraire n’est plus là?”, “Pour garder ces lieux de conseils et de rencontres, il suffit de continuer d’acheter vos livres chez votre libraire”. Double wow! Le message est écrit en tout petit, bouffé par la photo de la librairie. J’en conclu que le message est hésitant et pas si assumé que ça.

Outre le fait que cette affiche ne s’adresse ni aux jeunes, ni aux non lecteurs, ni à qui que ce soit à part la fille sur l’affiche tout droit sortie d’un endroit qui n’existe pas, je ne vois dans cette affiche ni “conseils” , ni “rencontres”, mais une main qui tend un livre, telle la parole divine (le Rocky Balboa de la librairie, il arrive à tenir un pavé juste entre son pouce et le bout de ses doigts!).

Puis pour finir de nous achever, on essaye de nous responsabiliser, de nous faire culpabiliser : vous voyez , faut venir acheter les livres en librairies, sinon on meurt. Plus désespéré, tu meurs.

Et puis bien sûr, on évite soigneusement de parler du livre numérique, c’est le Mal. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette campagne n’a aucun sens, au lieu de toucher les jeunes (qui eux pour le coup sont plus sensibilisés au web, qu’aux librairies physiques) ou tous ces lecteurs (dont moi) qui ont délaissé les librairies (pour des raisons tout à fait explicables) pour la vente en ligne, on continue de donner cette image poussiéreuse et sacrée du livre, en évitant de vouloir ouvrir les yeux. Les gens fuient ces lieux, parce que les librairies et les éditeurs cultivent cette image élitiste du livre qui a l’air réservé à une certaine catégorie de personnes. Le livre numérique n’a aucun mal à se faire sa place à côté : jeune, dynamique, ouvert à tous…

Et puis dernier point : les livres pris en photo! Tout droit sortis de chez Gallimard, Grasset, Stock and co, et les polars, la science fiction, les BD, les mangas, livres jeunesse? Vous savez ces livres qui se vendent super bien?

Et que l’on s’entende, en aucun cas je fais une ode au livre numérique, je suis moi même autant lectrice de livres numériques que de livres papiers.  Mais tout ça pour dire que la librairie et les éditeurs se noient tous seuls, en refusant d’observer ce qu’il se passe actuellement. Et ce n’est pas en cultivant une image dépassée que cela va changer, bien au contraire.

Ceci devait être dit!