Luis Sepúlveda a accepté de répondre, par mail, à quelques questions à l'occasion de la sortie de son livre "Histoires d'ici et d'ailleurs" (photo Daniel Mordzinski)
Il est sans conteste l’auteur le plus emblématique du Chili. Luis Sepúlveda, depuis Le vieux qui lisait des romans d’amour – un succès mondial traduit en trente-cinq langues et vendus à des millions d’exemplaires -, n’a jamais cessé d’envoûter ses lecteurs. Ni d’aborder en filigrane, et parfois plus directement, l’histoire trouble de son pays, le Chili.
Dans son nouveau livre, Histoires d’ici et d’ailleurs paru aux éditions Métailié, Sepúlveda raconte une vingtaine de petites histoires, pour la plupart inédites, glanées au fil de ses rencontres de par le monde.L’anodin côtoie l’important, la nostalgie tutoie les sourires. Des enfants photographiés du temps de la dictature croisent l’histoire improbable de deux chiens. La genèse du « Vieux » au roman d’amour est même détaillée. Particularité de ces historiettes souvent moins légères que ce qu’elles ne laissent prétendre : elles sont vraies. Extraites des voyages de l’auteur, comme il le confirme à Chili et carnets dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder. Sans fioriture. Comme il semble être au travers de ses livres.
Nostalgie et mélancolie sont très présentes dans vos ouvrages. Vous n’avez pas parfois envie d’être plus léger ?
Luis Sepúlveda : « Dans mes livres on ressent une certaine nostalgie, c’est évident. Mais je me tiens toujours éloigné de la mélancolie. Pour Tomasi di Lampedusa [l'italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, auteur, notamment, du Guépard, NDLR], « la mélancolie est le bonheur d’être triste. » Je n’ai jamais senti cette tentation d’être léger. »
Vous êtes l’auteur chilien contemporain le plus connu en France. Quels sont les auteurs chiliens que vous aimeriez faire connaître à l’étranger ?
« Il y a énormément d’auteurs, hommes et femmes, étonnants au Chili qui n’ont pas été traduits. La liste est longue… »
« Tous les hommes doivent découvrir quelque chose pour justifier leur existence », écriviez vous dans « Une sale histoire (notes d’un carnet de Moleskine) ». Qu’avez-vous découvert ?
« Que ma vie est marquée par une attitude éthique qui se renouvelle chaque jour. »
Dans « Histoires d’ici et d’ailleurs », les histoires sont simples mais toujours surprenantes. Comment dénichez-vous ces petites anecdotes étonnantes ?
« Simplement j’aime entrer dans un bar, prendre un verre de vin, m’asseoir à une table isolée, observer les gens avec attention, et en peu de temps, je parle avec une ou plusieurs personnes. C’est ainsi que naissent les histoires. »
« Il faut que l’Etat chilien demande pardon »
Vous évoquez aussi la naissance de l’un de vos succès. Vous l’avez revu ce « Vieux » ?
« Je n’ai pas pour habitude de rouvrir mes anciens livres. Cela m’arrive parfois après quelques années. Et c’est toujours une belle rencontre avec lui… »
Parlons de votre pays. Quel regard portez-vous sur le Chili aujourd’hui et sur la situation politique ?
« Le Chili est un pays qui cherche à récupérer la plénitude démocratique et je partage ce désir. »
L’influence de la dictature se ressent beaucoup. Le Chili a-t-il commencé son travail de reconstruction ? Ou le deuil de cette époque n’est-il pas accompli ?
« Au Chili, des pas ont été faits pour fermer les blessures que la dictature a laissé. Mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut, par exemple, que l’Etat chilien et l’armée demandent pardon pour les crimes de la dictature. »
Que faites-vous en ce moment ?
« Je travaille, j’écris. Très bientôt sortira un nouveau livre, « Últimas Noticias del sur » (Dernières nouvelles du sud). »
"Histoires d'ici et d'ailleurs", un recueil d'histoires au long cours...
« Histoires d’ici et d’ailleurs », par Luis Sepúlveda, aux éditions Métailié, 160 pages, 17 €.