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La tête dans le tambour du sèche-linge et autres étourderies
Publié le 26 juillet 2011 par DesfraisesLa tête dans le tambour du sèche-linge.
Un sourire niais aux lèvres – malgré une journée chargée en étourderies (lien) – je chemine vers mon métro. Et m’aperçois à mi-chemin que j’ai pris la mauvaise direction. Au diable le trajet direct, je passe le seuil d’une gare RER que d’habitude j’évite soigneusement. Le cœur léger – car invité à casser la croûte et entrechoquer le verre de l’amitié vers Stalingrad – je passe taper la bise platonique au guichetier. Lui demande un étui plastifié neuf pour ma carte de transport qui me tombe régulièrement des mains. Sur le quai je procède à l’échange. Main gauche le vieil étui transparent, main droite le nouvel étui dans lequel je glisse le sésame me permettant de parcourir Paris en long en large et en travers.
Ellipse (le RER c’est glauque alors j’écourte le récit du trajet).
Parvenu aux portillons sis Gare du Nord, je sors de ma poche de pantalon l’auguste carte de transport. Et réalise que l’étui en main n’est autre que la vieille chose plastifiée (vide) que j’avais prétendument jetée une demi-heure plus tôt. Horreur et putréfaction. Que faire ? Revenir sur mes pas et fouiller les poubelles du quai du RER à Denfert-Rochereau et repousser d’une heure l’apéro auquel j’étais convié. Ou poursuivre ma route et aviser plus tard. Je pratique alors une respiration ventrale gaudichonne, de (presque) celle que pratiquent les tortues tricentenaires ou les alligators. Je me traite des noms d’oiseaux que mes connexions neuronales fatiguées parviennent à extirper d’un tréfonds d’intelligence. Echo écho écho. J'imagine déjà ma prochaine matinée de repos : faire le pied de grue en une station RATP (lien), payer ma connerie à raison de deux ou trois carnets de tickets, etc. etc. Et tandis que je me rends chez B., j’élabore des scénarios aussi débiles qu’inutiles. Je manque me faire renverser par un scooter ayant eu la lubie de passer au feu vert. Grand fou !
Respire, couillon !, me dis-je. Apprécie la gentillesse de tes hôtes qui t’offrent champagne et petits fours ! Blablabla. Ma cervelle résonne des glouglous d’un monologue intérieur me bourrant le mou plus que me raisonnant.
B. m’a envoyé un roman me permettant d’arriver jusqu’à elle et son homme. Passer l'auriculaire dans le coin gauche de la grille d'entrée en prononçant la formule magique "coucou la voilà". Digicode. Pousser la porte verte et l'escarpolette. Longer le jardin jusqu'à la fourche et accéder à l’escalier 33. Non sans piétiner un enfant ou deux qui auront eu la folie de croiser mon chemin.
- Allô ? Je ne trouve pas ton nom dans le système. (…) Oui oui. Euh. Non, on m’a ouvert le portail. La concierge ? Non. (…) Suis au niveau du Franprix. Hein ? (…) Mais si ! Suis au numéro 55. (…) Fais-moi signe du 7e étage.
- Et là, tu me vois ?
- Ah, euh. Je vois une dame accoudée à sa fenêtre du 7e étage mais ça n’est pas toi. Pffff.
- Je descends te chercher.
Vérifiant enfin mes bouts de papier cornés, je réalise que je ne suis pas dans la bonne rue. Mais à 500 mètres. Non mais quel crétin je fais ! Andouille, panouille, cornichon ratatiné.
Ellipse. Champagne et sirop de violette Combier (distillé à Saumur) et petits fours. Chat habillant mon pull noir de ses poils blancs. Bavardages, rires et décontraction.
23h. La poubelle du quai direction Mitry à Denfert Rochereau attend le poignet qui a gaffé 4 heures plus tôt. Les voyageurs – les braves – s’agglutinent dans le RER les portant vers d’autres contrées pour me laisser plonger une main gantée d’un sac plastique Monop’ dans une poubelle gluante de détritus. Longue minute de solitude où je tâte l’inconnu, des gluons d’objets non identifiés. Rien. Rien. Et puis… victoire ! Une carte ornée de ma pomme maculée de… ketchup ? Peu importe, je l’emporte. Et j’efface l’ardoise magique que j’avais noircie de mes funestes plans.
Le cœur léger, je parcours la rue Daguerre et j’imagine tous les malheurs auxquels je peux couper l’ubuesque tête pensante en :
- faisant mine de perdre mon portefeuille
- paniquant à l’idée morbide de mon père succombant à une hémorragie interne
- ajoutant un zéro à la somme due au fisc
- etc.
et trouvant la parade une minute, une heure, une journée plus tard :
- le portefeuille s’était caché dans le bac à légumes
- l’équipe de blouses blanches avait annoncé à mon père sa dernière heure mais… un autre hôpital à 1 heure d’hélicoptère devait contredire le premier diagnostic (c'est arrivé fin mai)
- la calculatrice secouée énergiquement crache le zéro de trop (mais pas les sous, crotte !)
- etc.