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Le compte à rebours de la Coupe du monde commence à tutoyer des chiffres qui font de cette compétition une réalité bien concrète et plus seulement un événement un peu désincarné. Cette proximité, on la ressent également à travers les différents papiers d'ambiance qui fleurissent dans la presse (pas seulement sportive). C'est tout particulièrement vrai s'agissant de la Nouvelle-Zélande, qui monte petit à petit en presssion.
Celle-ci prend des formes assez classiques : mises en garde du sélectionneur national ou des joueurs sur le risque d'un excès de confiance ou celui que représente telle ou telle équipe (ainsi Jérôme Kaino, le troisième ligne All Black dit se méfier des Springboks pourtant sèchement battus par les Australiens samedi dernier), articles à l'avenant ("Dangerous wallabies titrait le New-Zealand Herald il y a peu), manifestations de soutien des supporters sur les forums...
Mais l'actualité nous livre aussi quelques exemple de comportements pas nécessairement surprenants, mais qu'on pourra juger quelque peu disproportionnés de ce côté-ci de l'hémisphère. Sans affirmer qu'ils sont consubstanciels à cette fameuse pression qui monte, on pourra néanmoins estimer que leur coïncidence avec l'événement rugbystique planétaire qui approche n'est pas tout à fait fortuite.
Ainsi, la réaction d'un représentant du peuple Maori aux photos d'Alexis Palisson le montrant paré du "moko" traditionnel sur le visage, paraît relever de ce phénomène, en tout cas l'exploitation qui en est faite dans les media. La presse de Nouvelle-Zélande ne s'est pas privée pour faire le lien entre cette "affaire" et les autres provocations tricolores à l'égard du pays du long nuage blanc : depuis le Rainbow Warrior jusqu'à Mathieu Bastaraud, tous les exemples sont bons pour nourrir une forme de ressentiment à l'égard de la France.
Heureusement, nombreux sont ceux qui, parmi les supporters Néo-Zélandais, font la part des chose (comme le font ceux de France qui n'accordent à ce genre d'épisode qu'un intérêt distrait...). En revanche, tout aussi nombreux sont les commentaires qui rappellent combien l'objectif du titre mondial est crucial pour tout le peuple Kiwi et mettent en exergue la difficulté, réelle ou supposée, des All Blacks à assumer la pression des grands rendez-vous. Et en ce domaine, l'épouvantail Français n'est pas le dernier à être exhibé par tous ceux qui craignent le pire pour leur couleur (le noir).
Cette appréhension à ne pas franchir le cap d'un deuxième succès en Coupe du monde, qui plus est sur le sol national, semble prendre corps à mesure que le compte à rebours égrenne les jours restant, et aller s'exacerbant. Les récentes catastrophes naturelles qui ont frappé le pays ajoutent à la pression, ne serait-ce que parce que les All Blacks veulent aussi remporter la Coupe du monde en hommage aux victimes, pour saluer leur mémoire et magnifier la force de caractère du peuple néo-zélandais.
Cette pression commence à serrer les gorges des plus aguerris. On rétorquera que l'essentiel pour les All Blacks est de rester sereins, sûrs de leur force. Certes, mais à voir le comportement des Auckland Blues faces aux Reds, en demi-finale du super15, on peut craindre que le syndrôme dit "de Twickenham - Cardiff" ne frappe de nouveau le squad Néo-Zélandais au moment crucial d'une demie ou d'une finale.
Ne nous réjouissons pas pour autant. D'abord parce qu'on n'est jamais grandi par ce type de sentiment. Ensuite, et surtout, parce que les bleus ne sont pas vraiment en position, à l'heure actuelle, de revendiquer un destin analogue à ceux de leurs devanciers qui eurent l'honneur de terrasser la bête noire. Même si une préparation aux petits oignons peut permettre de regagner un peu de temps perdu, on sait bien que celui-ci "ne se rattrappe plus" (comme le disait une chanteuse "All Black").
S'il est une équipe qui pourrait profiter d'un coup de gamberge des Blacks, c'est bien évidemment celle d'Australie, qui monte tranquillement en puissance pendant que les hôtes d'Aoteraoa montent en pression.
Ces conjectures seront peut-être balayées par une marée noire en septembre prochain. En attendant, le constat d'un trouble de la confiance ou, à tout le moins, d'une pression délicate à gérer pour la Nouvelle-Zélande ravira tous ceux qui espèrent que la course au titre mondial 2011 ne sera pas la chronique d'un sacre annoncé.