A huit mois de l'élection présidentielle, rien n'est perdu, rien n'est gagné. Mais Nicolas Sarkozy, le candidat secret, a mis en place une stratégie très simple qu'il suffit de décrypter, contrer, et moquer : contrôler les médias, maîtriser l'agenda national, choisir l'agenda international, fragiliser la concurrence interne, et déstabiliser l'opposition.
Qui à gauche ou ailleurs saura dézinguer le court Monarque élyséen ? Pour l'instant, préparez-vous à un second mandat.
Contrôler les médias
Une bonne campagne, c'est d'abord un story-telling efficace. Et pour cela, il faut de bons relais, c'est-à-dire des journalistes complices ou, à défaut silencieux. Le Figaro lui est acquis. Il n'y a qu'à constater l'exaspération de quelques journalistes de bonne foi, fatigué d'avoir à servir la soupe du Monarque à longueur d'articles. Du côté des télévisions, on a vite dit que l'éviction de Nauleau, Zemmour, Giesberg, ou Durand était la preuve d'une normalisation du débat télévisuel. Les pressions sont plus discrètes.
Contrôler les médias, ce n'est pas les asservir. Nous sommes en 2011. On donne des hochets, des «licences». Que penser d'autres de ce Conseil du Numérique ? Que penser de cette quatrième licence de téléphonie mobile accordée à Free, le groupe de Xavier Niel ? Ces décisions normalisent quelques pontes potentiellement incroyables.
Au plus près du terrain, les journalistes qui suivent la campagne de Sarkozy ne sont plus ceux de 2007. des plus jeunes, sans mémoire ni souvenir, les ont remplacés.
Maîtriser l'agenda national
Jusqu'en avril dernier, Nicolas Sarkozy semblait hors sol et incapable de maîtriser l'agenda médiatique national. L'affaire Woerth/Bettencourt, la réforme des retraites, le printemps arabe, les ministres « reprochables », l'actualité ne lui souriait jamais. Evidemment, l'antisarkozysme était généralisé.
Evidemment, quelques billets ici ou là (dont sur ce blog) pouvaient agacer, soulever, énerver. Sarkofrance fait assurément partie de la galaxie anti-sarkozyienne dans la mesure où Nicolas Sarkozy, depuis 2007 ou avant, ne laisse que peu de place à la mesure. Vous êtes avec lui ou vous vous êtes contre lui.
Certains peuvent être choqués de la violence de certaines attaques. A droite, on s'est habitué à l'idée qu'il leur faudra à nouveau voter pour le Monarque. Même les plus critiques n'ont rien fait pour soutenir, développer, encourager une candidature alternative. En octobre, une fois les sénatoriales passées, Borloo sera peut être ce candidat. Mais sa fidélité sarkozyenne jusqu'en novembre dernier rend la démarche peu crédible.
Fragiliser la concurrence interne
Pour des raisons de politique interne, le camp Borloo préfère attendre l'automne, ne pas partir trop vite, laisser filer les sénatoriales. Il lui manquera, de toute façon, un bon million d'euros pour fonctionner, ancienne subside de l'UMP désormais remise en cause. Sarkozy a aussi allégé son agenda présidentiel pour pouvoir mieux terroriser ou rallier les centristes de l'opposant. Il épargne enfin François Bayrou, qu'il espère voir grimper et handicaper son ancien ministre Jean-Louis.
Enfin, et surtout, il use et abuse de tous les hochets que la République lui a donné : postes ministériels, missions parlementaires, légions ou rétributions, soutien sénatorial ou subventions du Grand Emprunt.
Ensemble, tout est possible.
Choisir l'agenda international
La politique étrangère était son domaine réservé, le terrain de jeu idéal pour sa représidentialisation. D'abord, il y a toujours une crise à instrumentaliser. Créer et entretenir un climat anxiogène dont on ne saurait être tenu pour responsable, c'est une situation idéale pour un Monarque par ailleurs bien incapable d'anticiper ce qui nous arrive.
Ensuite, l'international lui a permis quelques prises de guerre : Bernard-Henri Levy, opposant tenace en 2007, est complètement sous le charme de Sarkozy depuis que ce dernier a envoyé des troupes en Libye.
Enfin, la politique étrangère permet de se donner de la hauteur. Evidemment, il faut choisir ses sujets. Préférer l'Afghanistan à la Norvège, ou la Grèce à la Corne de l'Afrique.Mais ça, c'est facile. Les Français se fichent pas mal de l'international.
Fragiliser l'opposition
Contre lui, il a tout le monde. Le Front National de Marine Le Pen est monté très haut, trop vite. Les sondages donnant Sarkozy absent du second tour ont produit les effets escomptés. Il fallait faire peur au centre-droit à un moment clé où l'opposition socialiste ne s'était pas encore cristallisé sur un leader.
Second facteur favorable, l'absence de rassemblement. Les quelques tentatives d'unité pour 2012 n'ont pas produit d'effet. A gauche, chacun prend toujours le premier tour de la présidentielle pour des primaires. Dix ans après un funeste 21 avril, ces gens-là n'ont rien compris.
Troisième facteur, et pas le moindre, l'affaire DSK. Le scandale du Sofitel n'a fait que griller trop tôt quelques cartouches scabreuses que le clan Sarkozy se gardait pour plus tard. Désormais il faut tenir. L'insistance du Figaro, par exemple, à tenir en haleine son lecteur en affichant François Hollande et Tristane Banon illustrait récemment comment les forces de Sarkofrance sont toutes entières dévouées à mouiller la quasi-totalité du parti socialiste dans ce sinistre fait divers.
Depuis la mi-mai, le clan Sarkozy a objectivement choisi d'instrumentaliser toutes les facettes de l'affaire DSK.