Suicide d'un joueur de poker ?
La deuxième série de la nouvelle collection Thriller pour le label Jungle, joint-venture entre les éditions Casterman et Steinkis touche à l’univers du poker. La trilogie Poker Face se rapproche de la série Poker de Jean-Christophe Derrien et Simon Van Liemt parue au Lombard, voire de Ken Games des espagnols José Robledo et Marcial Toledano publiée par Dargaud. On y retrouve une atmosphère de polar noir que facilite l’univers du jeu, mais aussi la vengeance et des meurtres. Tous les ingrédients sont réunis pour un thriller mené à vives allures et plein de rebondissements. L’ensemble est parsemé de scènes de poker où le lecteur tente de comprendre le jargon, même si ce n’est pas totalement indispensable à l’intrigue. Cela dit, un petit lexique ne serait pas superflu.
Sauf que le sujet de ce T.1 n’est pas principalement le poker, mais le suicide de Jean-Jacques Rossi, un joueur invétéré. Et même si la police conclut bien rapidement à cette thèse, très vite des doutes vont naître dans la tête de son fils Yan Duarte (le nom de sa mère). Âgé d’à peine 25 ans, l’ancien de la cité Les Mourons, petit délinquant ayant souvent maille à partir avec la justice, s’est rangé des trafics et autres activités délictueuses et installé en Corse. Son père lui a demandé de revenir. Il est arrivé trop tard. Seul constat : l’homme alcoolique était aussi endetté, adultérin et mythomane, mais semblait tenir à la vie. Deuxième hic : la police a trop vite classé l’affaire et dit avoir égaré la lettre de départ. Troisième hic : sa dernière maîtresse, Lydia Delgado, doute aussi du suicide mais se fait assassiner juste avant de pouvoir en dire plus. Enfin un joueur qui se fait appelé Honoré Balzac et qui est devenu un vrai tueur en série n’aura pas le temps de préciser ses accusations. Pour Yan, il faut infiltrer le milieu du jeu et donc devenir un joueur de poker pour démasquer les tueurs. Un ami de son père, Sammy dit Django, va l’y aider…
Ce premier épisode enchaîne les révélations et accumule les indices savamment dosés d’un puzzle complexe, même si les situations sont souvent rocambolesques. La lecture nécessite un peu d’attention pour en apprécier tous les détails qui compteront pour la suite. Avec un langage qui fait vrai, les deux scénaristes, père et fils, ont trouvé un bon rythme dès le démarrage. Au poker tout est dans l’apparence. Si « poker face » veut dire ne rien montrer de ses émotions, le dessinateur Erik Arnoux soigne les yeux des personnages, ce qui exacerbe leurs réactions et sentiments, en particulier lors de la partie de poker pour la vie au summum de la tension de l’album. Le style réaliste dans une veine assez claire est accompagné par une mise en couleurs informatique qui joue adroitement avec la lumière dans des scènes souvent sombres. Le coloriste Chrys Millien a d’ailleurs aussi participé au dessin.
Au final un album bien fini très séduisant. Vivement la suite prévue pour janvier 2012.
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Poker Face - T.1 : Bad Beat – d’Erik Arnoux erikarnoux.blogspot.com (dessin), Chrys Millien (dessin et couleurs), Jean-Louis et Julien Fonteneau (scénario) - Jungle, collection Thriller - 8 juin 2011 - 11,95 €