Manuel Valls s'est trouvé une nouvelle cible : la démondialisation de son "ami" Montebourg qu'il qualifie de "concept ringard et réactionnaire." Une bonne occasion de revenir sur ce concept que l'on confond trop volontiers (y compris chez ses partisans) avec le bon vieux protectionnisme.
Si ce concept a du sens, c'est dans la mesure où il s'inscrit dans une analyse des limites et des faiblesses de la mondialisation que nous vivons depuis une trentaine d'années.
Lorsque l'on l'on parle des méfaits de la mondialisation, on envisage en général son impact social, les délocalisations d'usines, les destructions d'emplois… et l'on cite de nombreux exemples, le dernier en date étant le projet vaguement démenti de fermeture de l'usine de Citroën d'Aulnay sous bois. Mais deux autres aspects, plus rarement soulignés, doivent être pris en compte :
- La mondialisation, telle qu'est développée, a considérablement fragilisé nos économies. Elle s'est accompagné d'un éclatement des processus de production. Le moindre produit industriel, le plus banal est l'assemblage de composants qui viennent des quatre coins du monde. On pense aux ordinateurs, mais aussi aux automobiles, à l'électro-ménager… à la poupée Barbie qui réunit des composants venus des Etats-Unis, de Chine, des Philippines, de Malaisie, d'Indonésie… Or, le moindre incident dans cette chaine a des répercussions à l'autre bout du monde. On en a eu deux belles illustrations tout récemment avec le tsunami japonais et les épidémies allemandes. Dans les deux cas, des acteurs installées à des centaines ou des milliers de kilomètres ont subit, parfois lourdement, les contrecoups de catastrophes lointaines ;
- Cette même mondialisation a contribué à faire exploser les transports aériens et maritimes. Nokia a calculé que le transport des composants depuis les usines de ses fournisseurs jusqu’aux usines d’assemblage représentait 6% de l’énergie consommée par ses téléphones portables pendant leur cycle de vie, auxquels il convient d’ajouter les 5% d’énergie consommés pour transporter ces mêmes téléphones de ces usines d’assemblage jusqu’aux points de distribution. 11% de l'énergie consommée par un téléphone pendant toute sa durée de vie est liée aux transports. Et ce qui est vrai d'un téléphone l'est, bien sûr, de mille autres produits.
Bien loin d'être ringarde, comme l'affirme un peu rapidement Manuel Valls, la démondialisation pourrait bien être demain l'objectif poursuivi par les acteurs économiques à la recherche de plus de robustesse et d'une réduction de l'empreinte écologique de leurs produits. Ce qui ne veut pas dire qu'ils cesseront de produire en Chine, au Brésil ou ailleurs, mais qu'ils s'attacheront à produire en Chine ou au Brésil d'abord pour des marchés locaux qui seront d'autant plus demandeurs qu'ils bénéficieront de l'enrichissement de la classe moyenne.
Le mouvement est probablement, d'ailleurs, déjà enclenché. Deux indicateurs ne trompent pas : le Baltic Chart Index, indice du coût du transport maritime international qui donne une indication sur les tensions sur le marché du transport des matières premières, est toujours très en dessous de son niveau de 2008 avant l'éclatement de la crise. Même chose pour le Harpex qui mesure les transports par container :
Le protectionnisme est ringard, la démondialisation ne l'est pas. On peut même, bien au contraire, penser qu'elle est une des tendances des années à venir.