Libye et pétrole

Publié le 25 juillet 2011 par Egea

J'entends beaucoup de correspondants m'expliquer qu'une des principales raisons de l'intervention en Libye serait le pétrole qui s'y trouve.

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Je ne trouve pas cet argument très convaincant.

1/ Kadhafi vendait son pétrole à tout le monde, et ce n'est pas parce qu'il y 'aura un autre régime qu'on achètera plus ou moins de pétrole à la Libye. Il reste que si c'est le cas, peut-être pourra-t-on faire plus d'affaires, plus d'investisssements, etc. Mais ce sera une externalité positive de la guerre, non son but premier.

2/ Un interlocuteur me dit qu'il s'agit du projet allié de sécurité énergétique. Cela fait plusieurs années que l'Alliance parle de sécurité énergétique : vous aurez remarqué, dans le dernier concept, qu'on parle de "maîtrise des routes d'approvisionnements" (de mémoire : voir mon analyse du sommet/ concept, dans DSI de février dernier). Donc, l'alliance n'est pas si rétive que ça, mais le concept original de sécurité énergétique est tellement mal foutu qu'il était logique que ça n'accroche pas. Toutefois, cela n'a à aucun moment servi d'argument pour l'intervention : ni des FR, ni des AG, ni des US, ni de l'OTAN. Je ne suis pas "complotiste", et en l'espèce, il n'y a pas d'élément de preuve. Donc, selon moi, pas de complot pétrolifère. En revanche, il est probable que les théoriciens de l'alliance et les startégistes en tireront un Retex et "après coup" expliqueront que ceci et que cela.

3/ Par ailleurs, il a fallu attendre trois mois pour qu'on s'intéresse au terminal de Brega, et il s'agit plus d'empêcher Kadhafi de s'en servir que de le saisir pour ses propres usages. Je remarque enfin qu'en l'absence de troupes au sol, on est bien loin soit de la saisie d'un terminal pétrolier pour pérenniser les installations, soit de sécuriser les routes maritimes : c'étaient pourtant les deux hypothèses d'un article de Jamie Shea, paru en 2007 dans la RDN, justement sur le sujet de la sécurité énergétique.

4/ On me demande enfin si "l'échec de l'unilatéralisme américain à travers l'AFRICOM ait poussé au choix du cadre multilatéral otanien pour cette opération, qui en fin de compte n'arrange ni l'Italie, ni la Suisse ni d'autres partenaires européens consommateurs de l'energie lybienne?"

Je pense que l'intervention US en Libye s'est faite contre mauvaise fortune bon coeur. Les US ont suivi les FR et GB malgré leurs réticences initiales (après le débat Gates/ Clinton, souvenez vous) : on ne peut pas dire qu'ils aient été à la manoeuvre. Mais tant qu'à faire, il n'était pas bête pour eux d'utiliser la structure d'AFRICACOM, qui justement n'avait pas vraiment convaincu jusque là. Cependant, rapidement, elle est sortie du jeu.

O. Kempf