Écrit par Mutations
En effet, lors de son discours de mercredi dernier à Beijing, à l'occasion de la séance de travail élargie tenue au Grand palais du peuple, Paul Biya l'a joué subtil mais suffisamment clair: «Sur le plan international (...), le Cameroun et la Chine ont une large convergence de vues. Nos deux gouvernements attachent une grande importance aux principes et valeurs tels que le règlement pacifique des conflits, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le respect de leur intégrité territoriale.»
Pour plusieurs diplomates occidentaux en poste à Yaoundé, qui s'expriment tous sous le sceau de l'anonymat, ce propos évoque à suffisance l'intervention militaire de pays membres du Traité de l'Atlantique nord (Otan) en Libye depuis le 17 février 2011. Ceux-ci, non seulement arment les insurgés, mais aussi procèdent à d'intenses frappes aériennes qui ont déjà fait des dizaines de victimes civiles. Des bombardements énergiquement condamnés par la Chine.
Une position qui n'a pas arrêté d'irriter de grandes puissances, au premier rang desquelles les Etats-Unis et la France souvent présentés comme d'incontournables appuis multiformes du Cameroun.
Paul Biya, devant son nouvel ami chinois, n'a fait en réalité que rappeler la position de l'Union africaine (UA) sur le sujet. Mais sa prise solennelle de parole, à Beijing, est considérée au moins comme «inélégante» particulièrement par les deux puissances sus-citées.
Capacité de nuisance
Un diplomate en poste à Yaoundé rappelle ainsi que le 27 juin dernier, le chef de l'Etat recevait déjà en audience le ministre libyen des Affaires de l'UA, Joma Ibrahim Amer. Au sortir de ce tête à tête, l'envoyé spécial de Muammar Kadhafi déclarait, en substance : «Le président de la République du Cameroun a été très content de cette visite et nous a informé que le Cameroun soutiendra la position africaine qui est favorable à une solution pacifique de la crise libyenne afin de retrouver la sécurité et la paix en Libye.»
Au plan de l'aide au développement, par exemple, le responsable sus-évoqué ne manque pas de commenter, effaré, la récente actualité : des accords d'un montant global de 42,3 milliards de francs en faveur du Cameroun, conclus mercredi dernier en Chine contre le déblocage, par la France quelques jours avant en faveur du Cameroun, d'environ 214 milliards de francs dans le cadre du second Contrat de désendettement et de développement (C2D). «Votre président a choisi son camp, c'est son droit, mais était-il obligé de narguer ainsi des pays dont la capacité de nuisance n'est plus à démontrer ?» interroge cet interlocuteur.
Allusion claire à la météo politique internationale actuelle, marquée au Cameroun par l'imminence d'une élection présidentielle où Paul Biya, 29 ans de règne absolu, est presque déjà sur les starting-blocks après avoir démantelé la disposition constitutionnelle sur la limitation des mandats présidentiels. Une logique qui contraste avec la position moult fois réaffirmée par les puissances occidentales, totalement opposées aux présidences à vie. Le chef de l'Etat, peut-être sans arrières pensées, vient stratégiquement de se mettre dans une position inconfortable vis-à-vis de la communauté internationale.