FN - Marine Le Pen - Discours université d'été... Lors de ma scolarité, il était un exercice qui me plaisait: l'explication de textes. C'est ce que je vous propose ici même en ayant conscience de la difficulté de l'exercice. Difficile car le discours de Marine Le Pen est diablement bien foutu et que, pour être tout à fait honnête, je retrouve dans la vidéo que j'ai choisi des pans de rhétorique que je pourrais utiliser notamment sur l'aspect critique du capitalisme. Difficile enfin car il est coutume de dire qu'il n'y a pas pire sort que d'être ignoré ce que nous devrions faire avec le FN. La belle affaire! Quand le FN a des chances d'arriver au second tour d'une élection présidentielle à venir, on a deux choix possibles: jouer les autruches, votre utile en sacrifiant un peu plus de démocratie et faire de la démagogie du type "le FN, c'est mal" OU expliquer le pourquoi il est impensable de voter FN. Pour cela, il faut posséder les clefs qui permettent de percer l'armure des chemises brunes. Revenant de Berlin, quelques musées dans la tête, me voici frais dispo pour ce numéro d'équilibriste (avec en tête le drame norvégien d'abord attribué à Al Quaida puis à un taré d'extrême-droite). J'ai choisi cette vidéo car elle est à l'image du Front national: parsemé de multiples demi-vérités. Omettre est-il mentir? Pour ma part, la réponse est oui. D'abord, définissons l'objet. Le Front national a été créé en 1972. Il reste à un niveau très bas jusqu'en 1984 où il obtient un gros score aux européennes. A sa tête, un homme charismatique et habitué des dérapages: Jean-Marie Le Pen. Je ne m'attarde pas. Simplement, je remarque qu'en janvier 2011, c'est Marine Le Pen qui prend le flambeau. La figure sacrée, le vénérable, reste président d'honneur. Et oui, c'est un truc assez courant chez nous ça, l'identification à un chef (ce n'est plus "Marine le Pen", mais "Marine". Moderne? branchée? Terriblement réac' oui!). On retrouve un premier trait pas vraiment porté sur la démocratie. Quand en plus, on fait dans la dynastie, ça commence à puer sérieusement. Mais n'allons pas trop vite en besogne et revenons à notre vidéo. Passé le bla-bla de présentation, on constate que Marine Le Pen va droit au but. "Nous (FN) = combat pour la nation et la liberté", "eux (méchants) = islamisme et mondialisme". Ce qui nous donne déjà trois informations capitales pour décrire le parti frontiste.
- La première, c'est qu'ils sont nationalistes, mais pas n'importe lequel: français. Un type comme moi, dans leur jargon, c'est un communautariste ("la République ne reconnait aucune communauté", c'est dans leur programme). Bref, encore une qui a raté un cours d'histoire sur le 19ème siècle et qui confond Etat et nation. Passons...
- Le deuxième point, c'est nommer l'ennemi. L'islamisme, c'est la menace extérieure, c'est le métèque, l'Autre, celui qui n'est pas comme nous (français). Pas de racisme non! De la xénophobie. Nuance de taille. Le FN ne demande pas l'extermination d'une quelconque "race inférieure", elle demande le chacun chez soi et pas trop de contact. Cela étant, certains de ces membres ont été condamnés pour propos nazis et leur positionnement ni-droite, ni gauche affirmé, l'extrême-centre est un des axes forts de la rhétorique moderne des nazis. Le nazisme, c'est une troisième voie... le national-socialisme.
-
Autre ennemi, le mondialisme et voilà pourquoi le FN attire des "classes laborieuses" comme on les appelait au temps de l'Union soviétique. Le FN, c'est un
discours de sécurité national face à l'atrocité de la mondialisation. L'Europe, c'est la dilution de son identité et l'atomisation qui transforme les citoyens en consommateurs.
Que nous dit ensuite Marine Le Pen? Qu'il existe des menaces (voir plus haut) et que le FN se pose en garant de la paix! La paix, c'est la pérenité des nations ou plutôt des Etats nations car un peu plus tard, elle fustige les libertaires. Oubliant au passage que l'existance même de moults Etat-Nation est source de conflits quand ce n'est pas de guerre comme en Afrique. Pour elle et son parti, il existe donc une "compétition féroce entre civilisations" ("racines chrétiennes de l'Europe"). Stratégie classique d'opposition. Pas de nuances. Le discours devient choc: les immigrés volent vos emplois. Sur ce point, il est permis de se révolter, mais de surcroît de douter! Premièrement, l'émigration d'un pays dit "en voie de développement" (en réalité pas développés -économiquement parlant bien sûr- du tout) n'est jamais choisie. Deuxièmement, les Etats d'Europe ont besoin de main d'oeuvre car ils ne "produisent" pas assez d'enfants. J'ajouterai: quels emplois sont réservés aux immigrés? (ci-contre le type même du noir qui réussit... courant en France, non?) De surcroît, le brassage a toujours constitué une richesse importante. La révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV et la fuite des protestants a enrichit les Pays Bas et l'Allemagne et contribué à la ruine de la France sous l'empire du Roi Soleil. Mais enfin, décidément, les cours d'Histoire n'étaient pas la matière préférée de celle qui adûle Jeanne d'Arc, cette espèce de cinglée qui agissaient non selon la volonté des hommes, mais de Dieu donc tout aussi fanatique que les terroristes islamiques que Marine Le Pen dénonce (ceci fait d'ailleurs partie d'une autre critique du FN à venir). Viennent après la stigmatisation des ennemis intérieurs: les trotskystes, les communistes, les libertaires, les intellectuels (surtout ne pas penser), les élites et les médias au service de ces derniers. Il faut bien comprendre que le national-socialisme a besoin d'un Etat fort pour imposer son programme ou plutôt son non-programme. Les trotskystes entretiennent envers le FN une haine farouche. Internationalistes, ils prônent une révolution mondiale et sont donc plutôt éloignés d'un nationalisme du type FN. Les communistes sont l'ennemi juré, mais pas pour les mêmes raisons. Ils sont les ennemis parce qu'ils incarnent une idée collective et totalitaire (au sens systémique) comme la leur (avec un Etat fort). C'est donc clairement un concurrent. Le libertaire est pire que tout: il est anti-Etat, anarchiste donc dangereux et pour la liberté individuelle (peut-on dire pour un ordre naturel et pas imposé?). Enfin, critiquer "l'élite", c'est le gagne pain du FN: plus la corruption est forte, plus le FN clame: "regardez, nous sommes la morale face au vol". Que dire contre cela? Simplement qu'il faut investir la sphère politique et virer les pourris (peu nombreux au final). Vidéo 2 (cherchez la suite). Nous en étions donc aux libertaires qui auraient une haine pour la nation et une haine pour la famille. Voilà un des fondamentaux du FN: conservatisme, morale ("travail, famille, patrie"... c'est plus de Pétain que le FN se réclame que d'Hitler). Non que la famille ne soit pas un lieu important, mais l'Etat doit-il s'immiscer dans la vie des ménages? Pour le FN, clairement oui. Il y a, comme dans les religions qu'elles soient catholique, juive ou musulmane, des règles strictes à respecter. Ce faisant, on entre dans une forme de totalitarisme qui veut soumettre l'individu à la tutelle d'une norme. La sphère privée n'existe plus. J'avoue avoir une faiblesse pour la description de la ville américaine faite par Marine Le Pen. Le géographe qui sommeille en moi ne peut en effet que critiquer la spécialisation des territoires et notamment des villes, les zones d'activités qui saccagent la Bretagne. Oui, j'avoue que jusqu'à sa description de la France, je suis conquis! Hélas, immédiatement après suit la pensée prédominante de ce type de nationalisme: la volonté de briller. Car le FN n'est pas pour l'autarcie comme j'ai pu le laisser supposer plus haut. Le FN est pour que les valeurs de la France soit partagées par le plus grand nombre et singe, ce faisant, le colonialisme d'antan. Ah, l'Algérie Française, c'était quand même plus stable! Ah, l'Indochine française, ils étaient plus heureux tout de même. Le rayonnement de la France, une idée partagée bien au-delà de l'extrême-droite! N'est-ce pas M. Mélenchon?
La méthode du FN. Utiliser des mots durs comme "terrorisme", appliquer à d'autres les concepts que l'on attribue habituellement au nazisme (ainsi, les défenseurs du mondialisme souhaite la création d'un "Homme nouveau"). Enfin, marteler que la France est en danger, faire peur. Et surtout, surtout, flatter le sens patriotique des oreilles qui trainent. Marine Le Pen fustige (avec raison) ceux qui croient que l'Histoire à un sens, mais n'en rappelle pas moins que la France a 1000 ans (et le Troisième Reich alors?). Euh... la France telle qu'on la connait, non! D'où la négation des "communautés" type bretons, basques, corses et autres sous-nations. Et voilà le couplet qui parle au peuple: une peinture sociale forte où l'Homme tient une place prédominante, où la chef du FN joue du violon sur le sort des miséreux que la charité chrétienne impose de sauver. Un paternalisme déconcertant pour un autonomiste comme moi! Car le bonheur, je ne l'attends pas de l'Etat moi! Cependant, il est nécessaire de constater que la gauche ne parle plus aux plus pauvres, aux déhérités. cet électorat ne vote plus ou s'est barré dans son immense majorité. Entre les lignes, quelques références à Dieu (bah oui, le FN, c'est une union des plus bizarres entre catho intégristes, nazis, royalistes, fascistes, conservateurs, xénophobes...). A noter d'ailleurs que la présidente du FN s'identifie à la masse laborieuse, fustige les bobos elle qui, évidemment, a connu la pauvreté. Oui donc à une critique de l'individualisme (je suis d'accord sur le danger d'une individualisation à outrance qui, entre parenthèses, n'a rien à voir avec l'individualisme absolu anarchiste), mais non à ce nationalisme dégoulinant, ce patriotisme qui voudrait que l'on meurt pour sa nation contre les civilisations menaçantes. Je suis nationaliste, mais sûrement pas de ce nationalisme là! Pour moi, la nation n'est qu'une volonté de vivre ensemble et dans "volonté", il y a la notion de choix, de libre arbitre. Il n'y a pas, comme dans le FN, de quelconque imposition, ni de hiérarchie entre les peuples ("notre peuple est un grand peuple"). Et je ne vois pas en quoi aimer son pays garantit le bonheur! Tous ces discours torves ne prennent pas racine dans l'esprit de tous. Résister, c'est avant tout penser. Et penser par soi-même, c'est être informé. C'est à cela notamment que sert le Peuple breton. C'est ce que j'aspire à faire: informer. Cet article est sans doute incomplet, mais il donne quelques bases.