Certes les différentes régions de la Suisse ne sont pas logées à la même enseigne. Le taux de chômage le plus élevé se
trouve à Genève (5.8%) et le moins élevé dans les cantons dits primitifs (0.7%). Mais le taux est en baisse partout.
A cette exception helvétique, taux de chômage bas et en diminution, il y a plusieurs raisons :
- l'économie est plus libérale que dans les autres pays dits riches
- la résiliation d'un contrat de travail y est plus facile
- l'indemnisation du chômage y est de plus courte durée et y répond à des critères plus étroits
- il n'existe pas de salaire minimum
Dans mon récent article sur le franc fort ici j'ai souligné que
l'endettement en Suisse était beaucoup plus bas que dans les autres pays dits riches, qui vivent sans exception, au-dessus de leurs moyens et ne sont pas près de rembourser leurs
dettes, sinon en monnaie de singe, pour la bonne raison qu'ils ne génèrent que des déficits budgétaires, le mot même de bénéfice budgétaire leur étant complètement étranger, depuis des
décennies. D'autre part il n'y a pas eu en Suisse de plan de relance significatif. Or on sait que les plans de relance sont non seulement inutiles mais
nuisibles...
La résiliation d'un contrat de travail est plus facile en Suisse. Certes il ne faut pas que la résiliation soit abusive ou qu'elle soit faite en temps inopportun . Il est abusif
de mettre fin aux rapports de travail pour un motif lié à l'âge, la couleur de peau, la religion, l'appartenance à un parti ou à syndicat. Il ne faut pas non plus le faire pendant une
période de protection : maladie, accident, maternité, service militaire, protection civile, service civil ou aide à l'étranger.
En dehors de ces cas, si le motif est professionnel, la résiliation n'est conditionnée que par l'observation d'un délai-congé, l'équivalent du préavis français, court, au maximum de trois mois
pour la fin d'un mois, et la procédure est toute simple: on peut convoquer la personne et envoyer la lettre de résiliation le même jour ou la lui remettre en mains propres. Seule
la résiliation sur le champ doit être utilisée avec précaution. Le licenciement collectif répond par ailleurs à des règles un peu plus lourdes mais sans comparaison avec celles prévues
par les autres législations des pays riches.
Il résulte de cette résiliation facilitée du contrat de travail que les employeurs n'hésitent pas à embaucher quand ils ont besoin de main-d'oeuvre. Ils savent qu'ils pourront alléger leurs
effectifs si nécessaire. Cette fluidité du marché du travail est bénéfique aussi bien pour les employeurs que pour les employés qui restent beaucoup moins longtemps au chômage
qu'ailleurs.
En outre il n'y a pas de manière générale de versement d'indemnité de départ - équivalente à l'indemnité de licenciement française - qui grève le coût d'un
licenciement et peut même le rendre insupportable financièrement. Ce versement n'est obligatoire qu’en cas de départ d’un salarié de plus de 50 ans, après au moins 20 années de service.
Encore ce droit peut-il être minoré par les prestations de l’institution de prévoyance pour le personnel, c'est-à-dire par le fait que l'entreprise cotise - ce qui est souvent le cas -
davantage que ce qui est prévu par la Loi sur la Prévoyance professionnelle, LPP.
Toujours est-il que le but des dernières restrictions à l'octroi d'indemnités est d'équilibrer le régime d'assurance chômage, toujours cette volonté de finances saines, caractéristique de la mentalité suisse. Les cotisations sont payées paritairement et représentent, depuis le 1er janvier 2011, 2.2% des salaires bruts jusqu'à 126'000 francs de salaire annuel et 1% sur les salaires annuels de la tranche qui va de 126'000 francs à 315'000 francs. Ces dispositions récentes ont été approuvées largement par le peuple suisse le 26 septembre 2010...
Enfin, pour bénéficier de l'assurance-chômage, il faut avoir cotisé au moins 6 mois au cours des deux dernières années (au cours des 12 mois en cas de chômage répété) et le
droit est au maximum de 150 indemnités en-dessous de 50 ans, de 250 indemnités jusqu'à 60 ans et de 400 indemnités au-delà de 60 ans. Il n'est pas confortable de rester au chômage
et les incitations ne manquent pas de rechercher un emploi.
Dernier atout pour le marché de l'emploi en Suisse : il n'y a pas de salaire minimum. Il y a un an l'Union syndicale suisse a toutefois décidé de
lancer une initiative pour un salaire minimum et de priver la Suisse de cet atout majeur en matière d'emploi. Dans un article consacré à cette fausse bonne idée j'écrivais le 17 mai 2010 ici :
Avec un salaire minimum
légal il est interdit à un salarié de travailler à un salaire inférieur, même s'il préfère travailler que pointer au chômage. Il n'a pas le choix. De même il est interdit à un employeur de verser
un salaire inférieur au minimum légal. S'il n'a pas les moyens de s'offrir les services d'un salarié au salaire minimum, il sera contraint de renoncer à l'employer tout court ou l'emploiera
clandestinement...
L'exemple de la France devrait pourtant faire réfléchir. En effet le salaire minimum légal s'est traduit par deux effets pervers : le chômage et l'égalisation par le bas des
salaires."
Cette initiative aboutira
certainement - elle a jusqu'au 25 juin 2012 pour obtenir les 100'000 signatures requises. De plus, la population est, selon les sondages actuels, très favorable à cette introduction. Ce serait
pourtant bien dommageable...
Francis Richard