je ne peux rien pour eux

Par Jilcaplan
je me souviens soudain,
avec précision
avec exactitude
un point précis sur lequel on appuie
un bouton qui dirait "start"
je suis allongée dans mon lit
toute seule
pliée en chien de fusil
j'entends leurs voix derrière la porte
leurs voix qui chuchotent des mots
qui se disent des choses que je ne comprends pas
que je ne saisis pas
je sais juste au fond de mon cœur,
que ça ne va pas
qu'un orage gronde
qu'une colère couve
qu'une dispute se joue
ma tête se vide
le sang semble se retirer
je n'y peux rien et je ne peux rien faire
je m'endors là -dessus en emportant ces voix qui ne s'entendent pas
qui ne s'accordent plus
je m'endors comme on tombe dans un trou
le lendemain, les visages sont impassibles
mais le sentiment reste profond,
tesson de bouteille enfoncé dans une chair claire
je suis toute seule, je n'en parle à personne
d'ailleurs je n'y pense même pas
c'est ma vie de fille unique, prise entre deux feux
qu'ai -je gardé au fond de moi
sa peur à lui
sa colère à elle
je ne sais pas, il faudrait mieux fouiller
mais je n'en ai pas envie
je sais juste que l'autre jour,
je me suis retrouvée exactement à cet endroit perdu
cet endroit de solitude où je me tenais enfant
à la fois brave, à la fois peureuse, à la fois désarmée
en me disant
je ne peux rien pour eux.