Une séparation - Asghar Farhadi (اصغر فرهادی)

Publié le 25 juillet 2011 par Malaurie @jfbib

L’histoire est universelle. Une mère souhaite partir à l’étranger pour donner à sa fille de meilleures chances de réussite dans la vie. Son mari ne veut pas quitter son pays : son père souffrant de la maladie d'Alzheimer nécessite des soins quotidiens. Devant son refus, la mère demande alors le divorce, mais le juge refuse sa requête face à l’insuffisance de son motif. Elle quitte alors le foyer conjugal et se réfugie chez sa propre mère. La fille choisit de rester avec son père.

Sur les conseils de sa femme, ce dernier engage une femme pour s’occuper de son père pendant la journée. La jeune femme vient travailler avec sa fille et cache à son employeur qu’elle est enceinte. Mais l’infirmité du vieil homme complique énormément le travail de cette femme très pieuse.

C’est une histoire moderne relatant les aléas de la vie familiale et combinant les rencontres entre des personnes issues de milieux sociaux et culturels différents (ville et campagne, bourgeois et populaire, teintés aussi de degrés de religiosité différents – nous sommes en Iran, et il semble impossible d’envisager l’athéisme de la famille bourgeoise –). Les acteurs jouent admirablement bien, le scénario d’Asghar Farhadi (اصغر فرهادی) est bien tendu et réserve surprise et réflexion. Les séquences avec le juge sont très révélatrices d’une façon de fonctionner aux antipodes de la justice européenne (pas de traces d’avocats), tout autant débordée que celle que nous connaissons mais assez humaniste dans le traitement des différentes parties. Cela est probablement dû aussi à la personnalité du juge, qui ne semble pas obtus et prend le temps d’écouter les différentes parties, tout en se référents à la loi. Cette dernière semble elle bien plus critiquable sur différents aspects.

Les questions d’honneur, les relations homme/femme font bien souvent penser à ce qui pouvait se jouer, il y a quelques années encore (et peut-être encore aujourd’hui en certains lieux) dans les pays de culture méditerranéenne. Cette histoire universelle sous bien des apparences, malgré une religion intégriste se mêlant de tous les aspects de la vie quotidienne, est suffisamment révélatrice aussi de ce qui se joue dans la société iranienne aujourd’hui. Le peuple iranien est bien plus proche de nous que nos médias et hommes politiques veulent bien nous le laisser entendre. La maturité de cette population, déjà narrée par Marjane Satrapi (مرجاﻧ ساتراپی) dans ces bandes dessinées, ne doit pas nous faire oublier qu’elle vit sous le joug d’un tyran et d’une religion aux pratiques dictatoriales et inquisitrices. Vivement une constitution qui renvoie la religion à la sphère privée et laisse les affaires publiques à la charge d’un état laïc !

Il n’empêche que le cinéma iranien est source d’une richesse incroyable pour qui peut et veut lire entre les lignes de la censure. Il importe de ne pas oublier le réalisateur Jafar Panahi (جعفر پناهي), Le ballon blanc, Hors-jeu… condamné à 6 ans de prison et à 20 ans d’interdiction d’exercer son métier.

D’autres billets chez  Cathe, chez Lo, chez Alain et chez BMR & MAM, entre autres…


Une séparation

D’Asghar Farhadi, avec Peyman Moaadi, Leila Hatami et Sareh Bayat, Iran, 2009.