Les 8 millions de français qui sont sous le seuil de pauvreté ne sont pas gentils. Ils empêchent les nantis de dormir sur leurs deux oreilles. Alors, culpabilisés peut-être par leurs fortunes, les riches choisissent des lieux discrets pour leurs vacances.
C’est Marcel Aymé qui le premier a utilisé l’expression « salauds de pauvres » dans son livre « la traversée de Paris » dont Claude Autant Lara a réalisé en 1956 le film éponyme. Le seuil de pauvreté a été relevé, passant de 791 € à 949 € et comme le dit Louis Maurin, directeur de l’observatoire des inégalités, cela explique en partie qu’un ménage français sur huit se trouve sous le seuil de pauvreté. Mais il y a manipulation de chiffres car les statistiques ne prennent en compte ni les sans-abri, ni les pensionnaires des maisons de retraite, ou les prisonniers.
Au-delà de la polémique sur ces chiffres, il reste une évidence : notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans la misère. 7% des ménages ne peuvent pas chauffer convenablement leur appartement, et 10% ne peuvent pas recevoir des amis. Les discriminations se multiplient : les enfants de chômeurs ne seront pas acceptés à la rentrée 2011 dans les cantines scolaires de Thonon-les-Bains, car Jean Denais, maire UMP de cette commune pimpante, à trouvé pour cela la raison qui tue : manque de place. Il a fait voter par son conseil municipal en avril dernier un règlement intérieur qui « exige des demandeurs d’emplois de fournir à la ville, à partir de septembre 2011, un justificatif de présence à un entretien d’embauche ou à une formation pour que leur enfant déjeune à la cantine dans la limite des places disponibles ».
La France d’en bas a donc du souci à se faire, car la France d’en haut ne veut plus la voir, et pour l’exclure des grandes villes, elle va jusqu’à prendre des mesures pour empêcher leur vieilles voitures de rouler en ville, avec un prétexte tout trouvé : « elles polluent plus que les voitures des riches ». La chasse aux pauvres est bel et bien lancée. A Paris, par exemple, en 2006, on a discrètement fait évacuer 300 sans-abris, dont les tentes bigarrées installées pas très loin de « Paris Plage », déparaient dans le paysage, comme le raconte Jacques Deroo dans son livre « Salauds de Pauvres » (parus aux éditions Gutenberg).
Ils sont nombreux à ne pas aimer les pauvres, même dans les secteurs où l’on pourrait s’attendre à un peu d’humanisme, comme dans le milieu médical par exemple. En 2009, une étude à mis en évidence que le ¼ des médecins, ou dentistes exerçant à Paris refusent de soigner ceux qui sont bénéficiaires de la CMU. Alors bien sur, l’ordre des médecins tape sur la table, mais ça ne semble pas émouvoir grand monde, d’autant qu’ayant demandé au parlement de pouvoir sanctionner les coupables, les députés de notre belle assemblée nationale l‘ont tout simplement refusé. C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle 1 français sur 4 ne se fait plus soigner. Rappelons que la CMU (couverture médicale universelle) ne s’applique qu’aux personnes ayant des revenus inférieurs à 750 € par mois, ce qui en limite considérablement l’accès. La France qui occupait jusqu’en 2006 la 1ère place du classement européen en matière de santé, à chuté en 5 ans à la 7ème place.
Il faut aussi évoquer malheureusement l’attitude méprisante des banquiers envers les personnes de modeste condition, malgré la charte qu’ils ont signée en 1992 dans laquelle ils s’engageaient à « offrir des services bancaires de base à tous ». Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir avait déjà dénoncé ça en 2005, expliquant que 4 à 5 millions de personnes étaient en situation d’exclusion financière. Depuis, ça ne s’est pas arrangé, car même si les statistiques ne mesurent pas ça, on estime qu’ils pourraient être entre 2 et 9 millions aujourd’hui, ce qui fait une large fourchette.
Mais la discrimination envers les pauvres va parfois plus loin, comme pour ce sdf de 45 ans battu a mort à coup de barres de fer, par trois jeunes de 17 ans, dans un village de Loire Atlantique.
Dans la France d’en haut, le champion s’appelle Bernard Arnault, et avec ses 21,2 milliards d’euros, il devance le patron d’Auchan, Gerard Mulliez alors que Liliane Bettencourt, la généreuse supportrice de l’autocrate présidentiel ferme la marche des plus riches de ce pays avec ses 17,5 milliards d’euros. Mais il est devenu vulgaire d’arborer une Rolex, la nouvelle tendance étant de vivre plus discrètement dans le luxe : de Saint Barthélémy (Antilles) à Rousset en Provence, en passant par Ste Marguerite (Vosges), les riches se cachent pour se nourrir, et passent leurs vacances à l’abri des regards curieux. D’après le classement Forbes, ils sont 1210 milliardaires sur cette planète ce qui représente 4500 milliards de dollars. Serge Dassault est l’un d’eux (7,6 milliards d’euros), et un blogueur a fait le calcul que pour atteindre cette somme, un salarié devrait travailler dur pendant plus de 3 millions d’années.
Et pourtant, ce même Dassault, est favorable à la suppression des aides sociales aux plus démunis. Il n’est pas le seul : en mars dernier, Pierre Lang, député UMP de Moselle, veut obliger les chômeurs qui reçoivent le RSA à faire en échange des « petits boulots non rémunérés » et il a déposé une proposition de loi dans ce sens : « les chômeurs indemnisé depuis plus de 6 mois, et les bénéficiaires du RSA seraient tenus d’effectuer des TIG » (travaux d’intérêt général). Laurent Waukiez, ministre des affaires européennes, soutient cette idée : il a proposé récemment conditionner le RSA, à un travail obligatoire. L’idée fait son chemin puisque Jean François Copé à repris le concept à son compte. Patrick Buisson, l’éminence noire de l’autocrate présidentiel va encore plus loin et a suggéré la suppression pure et simple du RSA, qu’il qualifie « d’assistanat ». Ce « fin stratège » a déjà définit les axes de bataille qui seront au centre de la campagne présidentielle afin de sauvegarder le fauteuil doré de l’Elysée. « Une grande loi de réhabilitation du travail qui lutterait contre l’assistanat en réservant le RSA seulement à ceux qui auraient un travail », plus de fermeté dans l’immigration, une nouvelle couche sur « l’identité nationale » et « le pouvoir d’achat », tels sont les plans que Buisson a proposé à Sarközy. L’idée sous-jacente étant que les bénéficiaires du RSA seraient pour la plupart des fraudeurs, et d’après un sondage du « Figaro« , qui sent la manipulation grossière, 67% des sondés seraient favorables à une contrepartie de travail obligatoire pour bénéficier du RSA. Au Conseil Général des Alpes Maritimes, cher à Christian Estrosi, ex ministre UMP et proche du FN, une idée fait son chemin : « supprimer les allocations familiales aux familles dont les enfants sont des absentéistes scolaires ». Pour défendre cette idée, TF1 est allé jusqu’au « bidonnage », en faisant témoigner la soi-disant mère d’un enfant qui aurait déserté l’école, mais cette femme n’était en fin de compte que l’attachée de presse du conseil général, et n’aurait pas plus d’enfant que de crédibilité.
La chasse aux pauvres est aussi ouverte à Pole Emploi où toutes les occasions permettant la radiation sont bonnes : le radié n’étant plus considéré comme chômeur, c’est un moyen radical pour en faire baisser le nombre. Les radiations abusives se multiplient : un simple retard lors d’un entretien, une recherche d’emploie jugée insuffisante, ou même une non réponse suite à un appel téléphonique suffit à vous faire radier. L’objectif présidentiel est clair : à quelques mois de l’échéance présidentielle tous les moyens sont bons pour faire baisser le nombre de chômeurs. Chaque année on dénombre 500 000 radiations, dont 95% sont consécutives à « une absence à une convocation ». En 5 ans, 2,5 millions de chômeurs auraient donc pu être théoriquement supprimés.
Pour la géologue Leuren Moret, tout cela fait partie d’un plan mondial : reprenant la thèse de Bertrand Russel écrite en 1959, elle explique « qu’une élite utilise la médecine, la technologie, l’informatique et l’état policier avec l’objectif final de créer une oligarchie totalitaire scientifique en mettant en place des programmes discriminatoires qui bénéficieront aux riches et auront un impact négatif sur les pauvres ». Dans le camp des nantis, les privilèges se multiplient, et une pétition vient d’être lancée proposant de s’inspirer des pays scandinaves, où les hommes politiques sont payés raisonnablement et utilisent les transports en commun. Espérons que les candidats de 2012 se focaliseront enfin sur la pauvreté, établissant un niveau de salaire maximum, et un salaire minimum décent pour tous, sans contrepartie. Car comme dit mon vieil ami africain : « une journée où tu ne ris pas est une journée perdue ».
Olivier Cabanel