Plutôt que de constater avec lucidité les conséquences d'un échec, les 17 ont engagé leurs pays dans la voie sans issue de la fuite et du déni du réel. La zone euro n'a jamais réussi à devenir une zone économique optimale susceptible de donner une cohérence et une puissance à la monnaie unique. En s'accordant sur un nouveau « plan d'aide » à la Grèce les dirigeants européens se sont entêtés à le croire encore possible en jetant les bases d'une Europe fédérale endettée qui maquille le visage de nations déjà très endettées.
Les politiciens regardent l'apparence, tandis que les visionnaires regardent le cœur, les uns s'occupent du lendemain, les autres de l'avenir.
En décidant de fédéraliser la zone Euro nos gouvernants ont décidé d'écouter le chant des banquiers plutôt que le cri des peuples et des européens. Les premiers instrumentalisent la finance, les seconds la subissent quotidiennement. Les rentiers ont gagné, les faiseurs de croissance ont perdu.
Les peuples souhaitent davantage de subsidiarité et de démocratie, les technocrates demandent plus de pouvoir. Les premiers gagnent les referendums qui animent le débat public avec passion (France et Pays-Bas en 2005, Irlande en 2008), les seconds remportent les victoires de couloirs qui structurent la matrice de la politique européenne.
Lorsque nos dirigeants choisissent d'amputer nos économies du levier monétaire, ils appuient un grand coup sur le frein des dépenses sociales et de l'initiative d'entreprises. Comme le dit très bien le gaulliste de gauche Jean-Pierre Chevènement, « les 17 ont fait le choix de la récession généralisée » alors qu'ils avaient entre leurs mains politiques les électrodes du réveil des nations, l’opportunité de revenir enfin au bon sens monétaire.
Le pragmatisme ce n’est pas le compromis autour d’un outil financier usé ; le pragmatisme politique ne trouve sa grandeur que dans la justesse d’un horizon commun. L’Europe en est un, pas l’euro. Lorsque des manifestants grecs en viennent à brûler le drapeau bleu aux étoiles jaunes, il y a tout lieu de penser que le beau rêve européen est en danger. Lorsque les commissaires de Bruxelles envoient une « task force » en Grèce pour contrôler la mise en place d’un plan d’austérité, il y a tout lieu de parler « d’occupation » comme ose le préciser le député Dupont-Aignan.
L’enjeu reste donc tout entier : comment ré-oxygéner les économies du sud de la zone pour relancer leur croissance et les sortir de la spirale fatale du surendettement ? Faut-il couper la zone monétaire en deux comme le propose l’économiste du « Nouveau Centre » ? Ou bien doit-on laisser les nations européennes recouvrer leur souveraineté monétaire en gardant l’euro comme monnaie commune ?
Le temps joue contre nous…